Montre à quartz, photocopieur, aspirateur : la passion du physicien Cédric Ray est de révéler la science à l’œuvre dans ces objets devenus banals.
“Depuis tout petit je démonte les objets pour comprendre comment ça marche. Je n’arrive d’ailleurs pas toujours à les remonter ! C’est aussi comme ça que j’en suis arrivé à adorer la physique.” Quand le commun des mortels regarde l’heure sur sa montre à quartz, Cédric Ray, physicien, contemple des fontaines atomiques. Vous passez l’aspirateur, il exploite une application de la mécanique des fluides. Four à micro-ondes, réfrigérateur, photocopieur : qui sait quels principes physiques complexes sont mis en action par tous ces objets ?
Du cours au livre de vulgarisation
Cédric Ray est entré à l’Université Lyon 1 pour sa troisième année de licence après une classe préparatoire au Lycée du Parc, et l’a quittée le temps d’un post-doctorat au Lawrence Berkeley National Laboratory de l’Université de Californie. L’aventure de la physique des objets a commencé pour lui par un cours qu’il a créé en 2005 dans le cadre de la licence de physique à Lyon 1 : “Je me disais que ce serait bien pour les étudiants d’apprendre à s’exprimer à l’oral et de faire le lien entre enseignement théorique et applications industrielles.” Au cours de cet enseignement optionnel, les étudiants sont donc invités à choisir un objet dont ils décortiqueront les principes physiques dans un court dossier avant un exposé devant la classe. Et les étudiants répondent présents : le cours “Physique par les objets du quotidien” est plein chaque année. “J’essaie de faire en sorte qu’on s’amuse”, raconte le chercheur avec gourmandise. “Par exemple, j’explique le micro-ondes à partir de la recette du canard à l’armagnac, ce qui est impossible à l’écrit.”
Faire simple, c’est compliqué !
Tout à sa joie de voir son projet de livre accepté par les éditions Belin, Cédric Ray ne s’attend pas à ce qui va suivre : “Franchement j’étais très naïf à l’époque ! Je partais confiant car j’avais déjà consacré environ 600h à mon cours”, s’amuse Cédric Ray, qui dit n’avoir pris “qu’une semaine de vacances en deux ans” tant il a dû bûcher dur : “A mille heures de travail, j’ai arrêté de compter“. Il entraîne dans l’aventure Jean-Claude Poizat, le chercheur dont il avait pris la succession à l’Institut de Physique Nucléaire de Lyon en 2000. Pour certaines photos d’illustration, Cédric Ray réalisera spécialement des manipulations en laboratoire. Et y glissera quelques clins d’œil : à l’article consacré au lecteur de CD, le disque montré sur l’illustration porte le nom du groupe de jazz du frère de son éditeur.
On se doute qu’écrire un livre peut prendre du temps, mais on imagine mal un chercheur en physique à la peine pour un ouvrage de vulgarisation… “Les physiciens comme moi ont les concepts mais pas forcément le détail de ce qu’il y a dessous : les mécanismes électrostatiques pour un photocopieur ou les changements de phase pour un CD-ROM réinscriptible, par exemple. J’ai donc commencé par acheter plein de livres !” Pas moins de “trois ou quatre” juste pour l’article sur l’imagerie à résonance magnétique (IRM). Et puis faire simple, c’est compliqué : “Ce qui m’a pris le plus de temps, ce sont les aller et retours avec l’éditeur pour préciser, reformuler… Je passais des heures sur la moindre correction.”
Du grand au jeune public
Écran tactile, disque dur, micro-processeur, carte mère… “L’éditrice était un peu inquiète quand elle a vu ce que je voulais mettre dedans !” s’amuse encore Cédric Ray. C’était la première fois qu’il écrivait pour les enfants : vocabulaire simple, textes courts, notions élémentaires (définition d’un cristal, d’un atome…), l’exercice était exigeant. “C’est vraiment dommage que la médiation ne soit pas valorisée dans une carrière de chercheur. Ce sont des choses qu’on fait par passion, sur son temps libre, et on ne peut pas dire que cela soit lucratif ! Mais cela apporte beaucoup, au scientifique comme à son public.”
Restent le plaisir de partager une passion et la satisfaction de la mission accomplie : “Pour mon premier livre, j’avais dis à mes collègues que je les rembourserais s’ils n’apprenaient rien en le lisant. Personne n’en a fait la demande !”