Sur le terrain, des étudiants creusent l’histoire de la Terre
À l’initiative de deux chercheurs du Laboratoire de Géologie de Lyon, des étudiants ont suivi, dans le cadre de leur Master à l’UCBL, une formation de terrain sur un site géologique exceptionnel hébergé dans une carrière de l’entreprise Lafarge. Une immersion inédite dans le travail de géologue, entre formation académique, milieu de l’entreprise et patrimoine scientifique.
Un article par Matthieu Martin, le 25/11/2024.
Sur un site industriel de Lafarge en pleine exploitation, à Saint-Jean-des-Vignes, un groupe d’étudiants en géologie de l’Université Claude Bernard Lyon 1 s’active au milieu des bulldozers et des explosions de carrière. Les mains et les pieds dans la boue, armés de pelles, de pioches et autres outils du géologue, ils se familiarisent dans le cadre de leur formation avec ce terrain exceptionnel pour les géologues, témoin d’un épisode extrême de l’histoire environnementale de la Terre.
Un terrain exceptionnel pour l’étude du climat
Fossiles, strates et formation : un laboratoire à ciel ouvert
Venus de différentes spécialités, les étudiants du Master 2 Sciences de la Terre et des planètes, environnement (STPE) de l’UCBL trouvent sur ce site un terrain de jeu idéal à leur formation. Sous la direction de leurs enseignants Guillaume Suan et Jérémy Martin, ils observent, explorent les strates, prélèvent des échantillons et élaborent leur propre projet. Avec une diversité de projets qui reflète la richesse du site. Un groupe s’intéresse aux ammonites, ces mollusques marins fossiles, et cherche des indices de prédation sur leurs coquilles. Un autre groupe dégage des strates pour étudier les rostres en calcite de bélemnites, des lointains cousins des calamars, afin d’analyser la chimie des océans anciens. Un autre encore sonde l’évolution du paléo-environnement et comment les écosystèmes ont réagi aux changements climatiques il y a 180 millions d’années. « Depuis trois ans que nous faisons cette formation, les étudiants proposent toujours de belles idées et des sujets rarement redondants », se réjouit Guillaume Suan. Un autre signe du potentiel du site en matière de géologie.
Dans des conditions pas toujours faciles, les étudiants fouillent le sol à la recherche de traces de fossiles.
Une formation pratique et diversifiée
Cette immersion de terrain est aussi une formidable école pour la formation des étudiants, qui s’initient aux méthodes de collecte et d’analyse nécessaires à la recherche scientifique. « Le terrain, c’est un passage obligé pour eux, et ils adorent ça », commente Jérémy Martin, chercheur CNRS en paléontologie. Et de poursuivre : « l’objectif est de leur donner les clés d’apprentissage pour avoir les bonnes pratiques pour observer, échantillonner et faire un rapport afin de transmettre les informations de terrain à d’autres ». Car les fossiles ne sont pas uniquement de belles pièces de musée, mais sont riches d’informations de terrains qu’il faut pouvoir conserver et transmettre à d’autres scientifiques. De nombreux étudiants poursuivent d’ailleurs leurs études en thèse après cette expérience. Vincent, en master, confie ainsi : « J’aimerais continuer dans la recherche, peut-être en géomorphologie. Ce qui est fascinant, c’est qu’il y a tellement de possibilités en géologie que ce soit en laboratoire ou en R&D dans l’industrie ».
Au-delà du domaine académique, cette expérience sur un site de l’entreprise minière Lafarge leur ouvre aussi d’autres perspectives. « Pendant toute la durée du terrain, les étudiants rencontrent différentes filières industrielles présentes sur le site de Lafarge, avec des professionnels d’horizons variés, tels que des sismologues, des artificiers ou des spécialistes en gestion de carrière… ce qui peut aussi leur donner des idées d’orientation », souligne Jérémy Martin.
(à droite) des ammonites et (à gauche) des bélemnites, témoins des changements environnementaux qui ont eu lieu il y a 180 millions d’années
Un triptyque entre industrie, recherche et patrimoine
L’accès à ce type de carrière est rare, rendant ce site d’autant plus précieux pour les chercheurs. C’est également un lieu atypique où se rencontrent les mondes académiques, industriels et le patrimoine local. Grâce à une convention entre l’université Claude Bernard Lyon 1 et l’entreprise Lafarge, les chercheurs peuvent y mener leurs recherches et organiser des formations étudiantes en toute sécurité. Ils bénéficient aussi d’une aide matérielle et technique précieuse pour déployer des fouilles sur le terrain. Le site entretient aussi un lien étroit avec le musée de Saint-Jean-des-Vignes, qui valorise les découvertes paléontologiques en exposant fossiles et autres vestiges géologiques de la région.
Dans ce microcosme où tout est lié, cette collaboration repose sur les relations étroites tissées par Jérémy Martin et Guillaume Suan avec les acteurs de l’entreprise Lafarge (dont la section Géo-Paléo) et du patrimoine local, et qui font que ce triptyque entre patrimoine scientifique, université et entreprise fonctionne. Une bonne dynamique qui devrait permettre aux scientifiques de continuer à reconstituer les écosystèmes anciens et l’histoire du climat de notre planète, tout en formant les géologues de demain.