Les patients atteints de cancer ont souvent des troubles de la coagulation : un patient sur cinq décèdera des suites d’un caillot dans les vaisseaux sanguins. Pourquoi ? Un nouveau gène est mis en cause.
Les troubles de la coagulation sont une complication fréquente au cours du cancer. Ils mènent souvent à la thrombose (formation d’un caillot dans un vaisseau) et peuvent être également la première manifestation d’un cancer par ailleurs complètement silencieux.
Des chercheurs de l’Université Claude Bernard Lyon 1 et de l’Inserm, en collaboration avec le CHU de Lyon viennent d’élucider comment un nouveau gène, nommé MDA-9/synténine, favorise le développement des
dans les en coopérant avec certains facteurs du système de coagulation, en particulier le facteur tissulaire .Ces travaux, menés par l’équipe de Habib Boukerche et publiés dans la revue Journal of Biological Chemistry, ouvrent un espoir important pour le traitement du cancer.
Quatre fois plus de thromboses chez les patients cancéreux
Une des principales difficultés pour le traitement efficace du cancer est l’extraordinaire capacité des cellules cancéreuses à former ce qu’on appelle des métastases : les cellules cancéreuses se multiplient dans d’autres organes en détournant le micro-environnement actif associé au fonctionnement normal de l’organisme.
On sait depuis plus d’une centaine d’années maintenant que les cellules cancéreuses détournent à leur profit le système normal de coagulation de l’organisme pour se multiplier en entraînant des désordres de coagulation regroupés sous le terme de coagulopathies.
Ces anomalies de la coagulation ont été décrites pour la première fois par le physicien français Armand Trousseau et surviennent chez près de 80% des patients cancéreux. Chez plus de 20% d’entre eux, elles conduisent à l’apparition d’une thrombose (caillot) entrainant leur décès. On estime aujourd’hui que les sujets atteints de cancer ont un risque quatre fois plus élevé de développer une thrombose veineuse par rapport aux patients non-cancéreux.
L’apparition d’un caillot constitue d’ailleurs souvent le premier symptôme du développement d’un cancer cliniquement silencieux, sans douleurs ni symptômes. Malheureusement, les traitements par chimiothérapie, radiothérapie ou hormones (appelés antinéoplasiques), qui visent à bloquer le développement des cellules cancéreuses, aggravent ce risque.
Un nouveau gène pour expliquer le lien entre le système de coagulation et le cancer
“L’étude des dysfonctionnements de la coagulation naturelle du sang lors de l’apparition d’un cancer est au centre de nos recherches : c’est indispensable pour prévenir le développement du cancer mais aussi pour mettre au point de nouvelles approches thérapeutiques anticancéreuses”, souligne le docteur Habib Boukerche. “Pendant longtemps, on a pensé que ces coagulopathies étaient une simple conséquence de la pathologie cancéreuse. On n’envisageait pas que les facteurs de la coagulation puissent interagir avec la tumeur et influencer son développement”.
Aujourd’hui, les chercheurs viennent de découvrir un mécanisme nouveau qui permettrait d’expliquer comment les tumeurs malignes détournent le système hémostatique de l’hôte à leur profit pour pouvoir se multiplier en métastases. Le système hémostatique est l’ensemble des stratégies que l’organisme met en place pour maintenir le sang à l’intérieur des vaisseaux, par exemple en coagulant quand un vaisseau est blessé. Les chercheurs lyonnais ont découvert qu’un gène nommé MDA-9/synténine coopère avec certains facteurs du système de coagulation, notamment le facteur tissulaire, reconnu comme étant un élément déclenchant majeur de la coagulation.
Comment le cancer « recrute » dans le système sanguin
Les chercheurs ont totalement décodé les signaux cellulaires qui permettent au facteur tissulaire de réguler le gène de la MDA-9/synténine. “Lorsque les cellules d’une tumeur deviennent malignes, elles surexpriment en abondance le facteur tissulaire à leur surface et de façon concomitante recrutent le système vasculaire de l’hôte”, explique le chercheur. Pour le dire autrement, les cellules cancéreuses concentrent une grande quantité de facteur tissulaire à leur surface. Cet agent double se lie avec d’autres agents, les facteurs de coagulation VII et X, et ils forment une équipe (un “complexe ternaire”) qui active le gène de la MDA-9/synténine. Tout se passe donc comme si les cellules cancéreuses détournaient le fonctionnement normal du système sanguin d’une manière qui leur permet de se répandre plus facilement.
Ce qui est étonnant, c’est que le facteur tissulaire est normalement incapable de transmettre une information à l’intérieur de la cellule. Pourtant, cette information est indispensable pour que le fameux gène de la MDA-9/synténine soit activé. Quel est le mécanisme à l’œuvre ?
Le facteur tissulaire recrute en fait à la surface de la cellule cancéreuse au voisinage du “complexe ternaire” un récepteur bien connu des spécialistes en hématologie, le PAR1, connu comme étant un maillon important du système de coagulation. En bloquant ce récepteur, les chercheurs ont pu atténuer le transfert de l’information à l’intérieur de la cellule cancéreuse qui conduit à l’expression de la MDA-9/synténine.
Pour étudier en détail la contribution du facteur tissulaire et PAR-1 dans la régulation de l’expression du gène de la MDA-9/synténine au cours du processus cancéreux, les chercheurs ont greffé à des souris immunodéficientes, habituellement utilisées comme modèle de laboratoire en cancérologie, des cellules cancéreuses chez lesquelles ils ont bloqué l’activité des ces protéines. Ce blocage a rapidement débouché sur une inhibition du développement des métastases chez la souris.
Un mécanisme clé du développement du cancer mis à jour
“Pour la première fois, nous avons en main, un gène qui pourrait expliquer cette relation énigmatique et non encore parfaitement comprise entre le système hémostatique et le développement d’un cancer”, précise M. Boukerche. En révélant ce lien entre les facteurs de coagulation et le gène de la MDA-9/synténine, les scientifiques ont mis le doigt sur un mécanisme clé du développement du cancer du mélanome mais probablement aussi de nombreux autres types de cancer.
C’est une percée riche en promesses thérapeutiques, et les chercheurs souhaitent désormais développer des inhibiteurs spécifiques de la protéine MDA-9/synténine qui pourraient permettre d’optimiser le blocage de son activité, et d’interrompre également les mécanismes de synergie existant entre le développement d’un cancer et les troubles thrombotiques responsables d’une grande proportion de décès des patients cancéreux.
Bonjour,
j’ai trouvé votre article très intéressant et d’autant plus que je suis concerné par un risque potentiel d’embolie pulmonaire liée à un cancer de la prostate qui vient d’être révélé par une biopsie.
Comme je n’ai trouvé aucun repère temporel, je me suis demandé si l’approche de l’équipe de recherche, qui est l’objet de votre article, avait évolué depuis. De plus je me demande si dans mon cas, une stratégie de blocage de blocage de l’expression de la MDA-9/synténine pourrait représenter une solution?
Je vous remercie de me dire bientôt ce que vous en pensez.
Cordialement,
D. M.