Pourquoi la période de “froid” du mois de mai, qu’on appelle les Saints de glace, tombe-t-elle à ce moment-là ? La réponse d’Alain Miffre de l’Institut Lumière Matière.
La période dite des “Saints de glace” est située traditionnellement les 11, 12 et 13 mai de chaque année. On célèbre ces jours-là respectivement Saint Mamert, Saint Pancrace et Saint Servais.
Croyance populaire ou dévotion religieuse, ces saints sont invoqués par les agriculteurs pour éviter le gel de leurs plantations sous l’effet d’une baisse de la température qui s’observerait à cette période. On trouve ainsi plusieurs dictons populaires qui recommandent d’attendre que les Saints de glace soient passés pour procéder à de nouvelles plantations : “Avant Saint-Servais, point d’été ; après Saint-Servais, plus de gelée“, par exemple.
Alors, pourquoi les Saints de glace ont-ils lieu au mois de mai ?
Une première hypothèse a consisté à considérer qu’à cette période de l’année, la Terre, dans son orbite autour du Soleil, pourrait traverser un nuage de poussières réfléchissant le rayonnement solaire. Cette hypothèse s’est vite révélée erronée puisqu’ aucun satellite n’a observé ce type de poussières pendant les Saints de glace.
L’explication scientifique n’est en effet pas de nature astrophysique mais d’origine climatique.
Sous nos latitudes moyennes de l’hémisphère Nord, le passage de fronts froids, amenant de l’air du Nord se produit couramment durant l’hiver. Ainsi, pendant l’hiver, des masses d’air froid parviennent à nos latitudes et provoquent des épisodes de froids parfois très rugueux. Cette circulation atmosphérique hivernale s’achève lorsque les conditions anticycloniques estivales prennent le dessus. Toutefois, cette modification de la circulation atmosphérique, d’hivernale à estivale, s’effectue progressivement et il arrive que début mai des fronts froids venant du Nord atteignent nos latitudes.
Dans ce cas, si la présence d’un anticyclone permet de dégager le ciel, elle s’accompagne d’une perte de chaleur encore importante, surtout la nuit, et il peut donc geler même si les températures journalières ont globalement tendance à augmenter pour atteindre la période estivale. Ceci est décrit par le phénomène climatique appelé North Atlantic Oscillation.
Les Saints de glace tombent ainsi chaque année au mois de mai, car c’est à ce moment précis de l’année que la circulation atmosphérique hivernale s’achève avec les dernières descentes d’air froid polaire avant l’été. Ceci ne signifie pas pour autant qu’il va nécessairement geler les nuits des 11, 12 et 13 mai prochains : on ne peut en effet prédire avec certitude la circulation des masses d’air à une date précise. On peut en revanche prévoir, que, en moyenne, cette circulation a une probabilité non nulle de se produire.
D’intenses recherches sont actuellement en cours, notamment à l’Institut Lumière Matière, pour mieux comprendre ce type de phénomènes qui sont en lien étroit avec les questions et les enjeux liés au changement climatique et enseignés dans l’unité d’enseignement Observation par satellite et applications au climat en première année du Master de Physique.