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Nermin Salepci, un art tissé par les mathématiques

Nermin Salepci est maitresse de conférence en mathématiques à L’université Lyon 1, mais aussi danseuse et chorégraphe. Elle présente dans le cadre du Festival Chaos Danse, organisé par le théâtre Astrée, une étape de son spectacle « Bharani », une invitation à un temps contemplatif entre art et sciences.

Pouvez-vous nous expliquer le choix de ce titre, Bharani ?

Nermin Salepci : J’ai changé plusieurs fois de nom pour la pièce. D’ailleurs, je ne pense pas que j’ai trouvé son nom final. Bharani est le nom d’un signe astrologique indien.  Elle symbolise un espace – une sorte de No Man’s Land – où l’âme se trouve entre la mort et la renaissance. L’endroit où il n’y a aucun repère.  C’est aussi un clin d’œil au texte que vous découvrirez dans la pièce.

 

Quel est le thème de votre spectacle ?

N. S : C’est un projet sur lequel je travaille depuis 5 ans, qui part d’un questionnement personnel : comment notre façon de penser structure notre compréhension des choses ? Et comment peut-on défaire cette « façon de penser » pour arriver à accepter que les choses sont toujours au-delà de ce que l’on pense. 

 

Vous avez pour cela travaillé avec un musicien et un dessinateur…

N. S. : La musique créée par Jonas Bernath donne une dimension d’espace, comme si l’on était sur une autre planète et elle nous met dans un état contemplatif.  Sur la bande sonore, on découvre aussi petit à petit une très belle histoire racontée par la chanteuse Lhasa – décédée en 2010.  Dans la forme finale de la pièce, il y a aussi les dessins très organiques créés par le dessinateur Benjamin Flao en direct sur scène.

Ce jeu avec les formes, les costumes, les mots invite le spectateur à entrer dans un état où il n’y pas de projections pour comprendre ce qui est montré, seulement la contemplation et l’acceptation de ce qui est là.

 

Comment a commencé votre histoire avec la danse et les mathématiques ?

N. S. : J’ai commencé la danse à l’université technique du Moyen-Orient à Ankara, un peu par hasard. Quand j’ai commencé, cela m’a vraiment fait un effet incroyable. Je me suis tout de suite sentie comme chez moi, comme si je connaissais cette matière. Et ça ne m’a jamais quitté depuis.

En parallèle, j’ai fait des études en mathématiques. J’aime beaucoup l’abstraction que l’on trouve dans les mathématiques, mais j’avais aussi besoin de cet équilibre entre mathématiques et danse.

 

Sur quoi portent vos travaux en mathématiques ?

N. S. : Je travaille à l’Institut Camille Jordan (1) dans le domaine de la géométrie et de la topologie. Les deux s’intéressent aux formes des objets. On peut dire que la topologie est une sorte de géométrie souple, c’est une étude des  formes des objets et de leur transformation.

Actuellement, nous travaillons avec un collègue sur la topologie aléatoire. On a introduit une façon de construire des objets topologiques aléatoires. Ensuite, on va se demander ce que l’on peut « espérer » de leur topologie. Cela mène à des résultats très intéressants.

 

Quel lien faites-vous entre danse et mathématiques ?

N. S. : Les mathématiques sont dans une grande partie de ma vie et influencent donc forcément mes spectacles, à travers des concepts qui forment un tissu invisible dans chacun de mes spectacles. Pour Bharani, j’ai beaucoup réfléchi sur les espaces projectifs d’un point de vue poétiques.

En cela, les mathématiques m’inspirent car elles sont à la fois présentes et invisibles dans mes pièces, que je signe d’ailleurs comme « mouvements invisibles ».

 

Est-ce que la danse a aussi une influence en retour sur votre métier d’enseignante-chercheuse ?

N. S. : Peut-être pas pour la recherche, mais clairement pour l’enseignement. Et puis, j’invite parfois mes étudiants à mes spectacles. Je pense que c’est important aussi de montrer aux étudiants les possibilités offertes par les mathématiques, au-delà du cadre purement académique. Ma façon d’enseigner est un peu différente en ce sens.

 

Quel point de vue souhaiteriez-vous voir changer sur les mathématiques ?

N. S. : On a parfois tendance à se représenter les mathématiciens comme des personnes ayant une pensée très cartésienne, rigide. Alors qu’au contraire, les très bons mathématiciens possdent une très grande souplesse de pensée. C’est justement ce qui permet de révéler des choses sublimes, qui sont au-delà de nous-même.

Retrouvez  une étape de travail de ce spectacle en direct et en streaming, vendredi 12 mars à 12 h 30 sur la page Facebook du Théâtre Astrée.


(1) Institut Camille Jordan (ICJ – Université Claude Bernard Lyon 1/CNRS/Ecole centrale Lyon/INSA Lyon/Université Jean Monnet Saint-Etienne) 

Crédits photographies : Eric Le Roux/Direction de la communication de l’Université Lyon 1

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