Cette fois, c’est officiel : le rover de la prochaine mission européenne vers Mars se posera sur Oxia Planum, une vaste plaine identifiée et proposée par l’équipe de Cathy Quantin-Nataf à Lyon.
Depuis 2013, ils y croyaient sans trop oser y croire : l’équipe e-Mars pilotée par Cathy Quantin-Nataf au laboratoire Terre Planète Environnement de l’Université Claude Bernard Lyon 1 a remporté la compétition internationale pour la prochaine mission martienne européenne.
L’Agence spatiale européenne a en effet annoncé le 21 octobre dernier que le rover de la mission ExoMars se posera sur Oxia Planum, une vaste plaine argileuse. L’équipe de Cathy Quantin-Nataf avait identifié cette zone jusqu’alors inconnue, et l’avait proposée comme destination pour la mission qui se lancera en mai 2018 à la recherche de la vie sur la planète rouge.
Pourquoi cette compétition internationale ?
La pratique est courante, que ce soit chez la NASA, l’agence spatiale américaine, ou l’ESA, l’agence spatiale européenne. Avant chaque mission, les agences lancent des “appels à site” qui fonctionnent comme des appels à projet.
Les équipes de recherches du monde entier sont invitées à proposer des sites d’atterrissage pour les robots d’exploration (les fameux rovers) qui seront envoyés pour récolter des données. La réussite de la mission dépend énormément du choix du site cible : d’un point de vue ingénierie, car il faut autant que possible éviter la casse, et du point de vue de l’intérêt scientifique.
Pour les équipes l’enjeu est également très important : être choisis peut signifier pour ces chercheurs un accès privilégié aux données que rapportera le rover. A la NASA, l’équipe retenue a une exclusivité de plusieurs mois sur les données. L’ESA ouvre un peu plus largement : les 4 équipes présélectionnées y ont accès.
Quel était le cahier des charges ?
Le cahier des charges pour le site d’ExoMars était évidemment très précis.
Parmi les principaux critères d’ingénierie :
- un site plat sur un rayon d’au moins 100 kilomètres,
- présentant des points d’intérêt nombreux car le rover ne peut se déplacer que de deux kilomètres,
- à basse altitude pour assurer le freinage du rover avant son atterrissage
- proche de l’équateur, où les températures sont plus clémentes, pour que les appareils puissent fonctionner (la température moyenne sur Mars est de – 70°).
Quels sont les enjeux d’ExoMars ?
La mission ExoMars a pour but de chercher des traces de vie. Le rover sera pour la première fois équipé d’un petit foret pour creuser jusqu’à deux mètres sous la surface. Le rover embarquera également un mini laboratoire capable d’analyser les échantillons extraits du sous-sol martien pour y chercher d’éventuelles traces de vie fossile.
Autre première : ExoMars se concentrera sur la recherche et l’analyse d’argiles. Elles sont en effet une bonne piste pour trouver des traces de vie : elles contiennent de l’eau et sont de bons réservoirs à matière organique. “Sur Mars, il y a des argiles partout”, précise Cathy Quantin-Nataf. Mais curieusement, les précédentes missions spatiales ne s’y sont pas intéressé.
“C’est une question de chronologie : aucune mission d’exploration martienne ne s’est encore concentrée sur la période située il y a 4 milliards d’années, qui est celle des argiles”, explique la géologue. Le célèbre rover de la NASA Curiosity, par exemple, explore actuellement un cratère vieux de 3,5 milliards d’années, période sur laquelle portent toutes les recherches menées jusqu’à présent. “Vu la quantité d’argiles dans le sol martien, on peut imaginer qu’il s’est passé il y a 4 milliards d’années quelque chose d’important pour le devenir de la vie sur cette planète”, relève Cathy Quantin-Nataf
Comment et pourquoi le site “lyonnais” a-t-il été choisi ?
L’équipe de Cathy Quantin-Nathaf mène depuis 2011 le projet e-Mars, soutenu par le Conseil Européen de la Recherche à hauteur de 1,5 millions d’euros. L’objectif de ce projet est d’analyser les quantités colossales de données en provenance des quatre dernières missions d’exploration martienne : l’équipe a pour cela développé une application de traitement de données, et c’est grâce à elle que la plaine Oxia Planum a été repérée.
Jusqu’à présent, aucun site connu ne réunissait tous les critères d’ingénierie (voir plus haut). Mais Oxia Planum a aussi un atout majeur du point de vue scientifique : elle intéressante pour les deux points de vue en vigueur concernant la recherche de la vie sur Mars.
Le premier point de vue est minéralogique : c’est l’idée que pour trouver des traces de vie et de l’eau, il faut chercher dans les sédiments des minéraux. Premier bon point pour Oxia Planum, où l’ellipse de 100 kilomètres de rayon est couverte de dépôts argileux remontant à 4 milliards d’années. Le rover a donc 80% de chance de trouver des argiles dès son arrivée. Cerise sur le gâteau, Oxia Planum est balayée par les vents : grâce à l’érosion constante, de très vieux dépôts se retrouvent en surface et sont exploitables, alors qu’on considérait jusqu’à présent que le premier mètre de sol martien est stérile à cause de l’oxydation.
Le second point de vue en vigueur est morphologique : pour trouver de l’eau, il faudrait regarder en priorité le terrain et la forme du relief. Deuxième bon point pour Oxia Planum : on observe la trace d’un ancien delta, dépôt sédimentaire qui se trouvait sous l’eau il y a 3,5 milliards d’années. Une grande partie du site a donc été immergée sous une mer.
Que reste-t-il à faire avant le départ d’ExoMars ?
Les deux grands chantiers qui attendent à présent l’équipe de Cathy Quantin-Nataf sont :
- cartographier en détail Oxia Planum à partir des données orbitales de Mars, “un travail de fourmi” selon la chercheuse,
- et enquêter sur la mer disparue, dont l’existence n’a été apprise que récemment : combien de temps a-t-elle été là ? quels sont les enregistrements géologiques disponibles ? Quelle était sa profondeur ? etc.
Sans oublier une mission annexe mais pas accessoire : publier ! “On n’a encore presque rien écrit sur la question”, regrette Cathy Quantin-Nataf, “et on doit maintenant partager nos informations sur Oxia Planum. Beaucoup de chercheurs nous appellent pour travailler avec nous depuis l’annonce de l’ESA. Et accessoirement, la page Wikipedia consacrée au site raconte n’importe quoi !”
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