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La gestion des données de la recherche, fer de lance du nouveau Master IMST

Le Plan de Gestion de Données (PGD), déjà requis pour les projets européens, est désormais obligatoire pour les projets ANR depuis septembre 2019. Ce faisant, l’Agence Nationale de la Recherche suit les recommandations du Comité pour la Science Ouverte en matière d’ouverture des données. Le PGD constitue une première étape de sensibilisation des communautés scientifiques à l’évolution des pratiques de gestion et de partage des données. Et si les chercheurs pouvaient s’appuyer sur les compétences des métiers de la Science Ouverte pour le faire ? C’est le pari gagnant des étudiantes et étudiants du Master Information et Médiation Scientifique et Technique (IMST) de l’Université Lyon 1, accompagnés de leur enseignante, Violaine Rebouillat, spécialiste des données de la recherche, et de l’équipe Lyon Ingénierie Projets (LIP).

 

Le plan de gestion de données, un sésame pour les projets financés

Le Plan de Gestion de Données (PGD) est un document formel, dans lequel l’équipe de recherche décrit la façon dont les données seront obtenues, organisées, stockées, préservées, documentées, utilisées et partagées au cours et à l’issue du projet de recherche. Grâce à cette formalisation, le PGD permet à l’équipe de planifier les actions et les moyens nécessaires au traitement et à la gestion des données. C’est donc avant tout un document de planification destiné à l’usage collectif interne du projet. A terme, le PGD constitue un outil et un levier indispensable pour aider l’équipe du projet à ouvrir ses données et à les partager, selon le principe « aussi ouvert que possible, aussi fermé que nécessaire », tout en répondant à des standards internationaux (FAIR – Findable, Accessible, Interoperable, Reusable). C’est la raison pour laquelle les PGD sont des éléments importants du Plan National pour la Science Ouverte et de la Feuille de Route de la politique Science Ouverte de l’Université Lyon 1.

Le PGD fait également désormais partie des livrables attendus par les agences de financement de la recherche : la Commission Européenne via ses programmes de financement (Horizon 2020 et bientôt Horizon Europe) et l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) en France. Sans le PGD, considéré comme un livrable à part entière, les projets de recherche se voient pénalisés par les financeurs. Autant dire que l’enjeu est d’importance !

Autour de ce « nouveau-né » dans la liste des livrables, on retrouve deux types de compétences qui concourent à définir les nouveaux métiers de l’information scientifique numérique et ouverte : des compétences relatives à la communication scientifique ouverte et des compétences relatives au cycle de vie des données et à leur gestion documentaire (« documentarisation »). Ces métiers sont encore jeunes et ils puisent leur succès dans le fait qu’ils sont en soutien des communautés scientifiques dans leurs efforts à développer des pratiques de Science Ouverte.

Gestion des données de la recherche -PGD
Crédits : FranziMachtDas

 

La gestion des données de la recherche, fer de lance du nouveau Master IMST

Tout nouveau dans le portefeuille des formations de l’Université Lyon 1, le Master Information et Médiation Scientifique et Technique (IMST) a accueilli en septembre sa première promotion d’étudiants, se destinant aux métiers de la Science Ouverte, avec un parcours intitulé « Épistémologie et Ingénierie de la Science Ouverte » (EISO). Le Master forme aux nouveaux modèles de médiations numériques. Il prépare notamment la nouvelle génération de professionnels de la gestion des données scientifiques, amenés à se positionner à l’interface entre acteurs scientifiques et politiques de la recherche. Les données scientifiques, ou « données de la recherche », se situent donc au cœur de l’offre de formation du Master.

Issus de formations scientifiques, les étudiants suivent une unité d’enseignement (UE) consacrée aux données de la recherche. Un des objectifs de cette UE est de les amener à comprendre les enjeux qui président à l’hybridation des pratiques scientifiques, à l’élaboration de PGD et à l’accompagnement des équipes de recherche. Le choix pédagogique a été de s’appuyer sur un apprentissage par projet pour placer les étudiants en situation réelle et concrète. Et quoi de mieux qu’un lieu d’ingénierie de projets de recherche pour tenter l’expérience ?

 

Un partenariat naturel et inédit

Pour adresser l’ambition pédagogique du Master, un rapprochement avec Lyon Ingénierie Projets (LIP) a été initié dès la rentrée universitaire. Filiale de l’Université Lyon 1, LIP est une société spécialisée dans l’ingénierie et la gestion de projets. Elle accompagne les équipes de recherche dans le montage et le suivi de leurs projets scientifiques et joue ainsi un rôle important dans le taux de succès enregistré. LIP instruit 900 à 1000 dossiers par an pour l’Université Lyon 1, générant une activité de recherche partenariale conséquente (43,4 M€ en 2020).

L’accueil de LIP à cette initiative inédite – mais aussi naturelle – a été positif et enthousiaste, car elle faisait converger le souci d’aider les communautés de chercheurs de l’université à entrer en conformité avec de nouvelles pratiques de recherche, répondant aux standards d’une science soucieuse du devenir de ses données.

Ailleurs, en France ou en Europe, l’accompagnement à la mise en place de PGD a été initié par des bibliothèques universitaires ou des services d’information scientifique et technique, voire par des ingénieurs d’étude et de recherche dans les laboratoires. Mais aucune initiative semblable à celle de LIP et du Master IMST n’a été tentée jusque-là. Quel a donc été son mode d’emploi ?

 

Un travail d’équipe

Répartis en petits groupes, les étudiants ont travaillé de concert avec le responsable scientifique d’un projet de recherche et son correspondant à LIP. Des réunions régulières, organisées entre décembre et janvier et pilotées par l’enseignante en charge de l’UE, ont permis à la fois de faire avancer le travail des étudiants tout en assurant le suivi. Elles ont permis aux étudiants de mettre en application les acquis des enseignements, de prendre en compte les spécificités du projet, son contexte et ses attendus, au profit d’une élaboration progressive du PGD.

Ces réunions ont eu une portée pédagogique, puisque les étudiants ont fourni les clefs de compréhension de ce qu’est un PGD à des chercheurs, dont les pratiques sont encore éloignées de ce type de livrable. Cette élaboration a été le fruit d’une construction tripartite entre les besoins scientifiques du projet, ses composantes d’ingénierie et les attendus formalisés du PGD. La contribution de LIP a été cruciale car elle a aidé à instaurer un cadre de confiance, construit à partir des partenariats de longue date avec les responsables scientifiques. Qu’en ont retiré les étudiants ?

 

Une mise en situation qui vaut tous les cours du monde !

L’expérience, ambitieuse, a permis d’observer concrètement comment les étudiants ont relevé le défi de fédérer les connaissances acquises en cours (scientifiques, juridiques, informatiques, techniques, administratives et institutionnelles) pour les déployer concrètement dans la rédaction du PGD.

« [Ce projet tutoré] m’a ouvert une porte sur le monde de la recherche et la façon dont les scientifiques s’organisent pour gérer au mieux leurs données de recherche. » (Clémence)

L’accompagnement de l’enseignante, spécialiste des données, et des tuteurs du LIP a permis de fournir le cadre indispensable à l’avancée progressive de ces travaux et à parer à des difficultés sur certaines parties du PGD plus épineuses que d’autres (documentation des données, titularité des données, coût de la gestion des données).

« Ce projet nous a permis d’observer que la notion d’Open Data n’est pas applicable dans tous les cas. » (Clémence)

« Lors de la deuxième réunion, j’ai compris que toutes les réponses aux questions du PGD allaient dépendre de la bonne coopération du chercheur. » (Jocelyne)

Les étudiants ont pu être confrontés à la question de l’évolution des pratiques scientifiques des chercheurs, qui parfois découvraient et se familiarisaient avec les modalités et les dispositifs de la Science Ouverte :

« [Le chercheur] ne connaissait pas les PGD. Il a demandé à plusieurs reprises pourquoi nous faisions cela et à qui cela serait destiné. » (Lucas)

Dans le même temps, l’expérience a fourni un contexte professionnalisant concret permettant aux étudiants de mieux se projeter dans les enjeux des nouveaux métiers auxquels ils se destinent. Tout particulièrement, ils ont pu appréhender l’importance de la construction d’une relation et d’un dialogue, indispensables à leur positionnement en tant que partenaires.

« Bien que le chercheur soit capable par lui-même de décrire ses données et les méthodes qu’il a déployées pour les obtenir, leur intégration au sein de la complexité du PGD nécessite un soutien extérieur. » (Lucas)

 

Une expérience réussie … appelée à se renouveler !

Forts de cette initiative réussie, LIP et le Master IMST se sont engagés à pérenniser l’expérience pédagogique et ainsi à la reconduire tous les ans. Cette décision est désormais formalisée via un partenariat qui sera annoncé aux nouvelles recrues du Master, dès la rentrée.

Un réel besoin d’accompagnement existe. L’enjeu actuel se situe autour de la compréhension des enjeux du PGD, de ses objectifs et du vocable propre à la Science Ouverte qu’il emploie. Il est donc crucial qu’une nouvelle génération de professionnels de l’information soit formée à ces questions, afin que le PGD ne devienne pas une contrainte administrative supplémentaire pour les chercheurs. Ceci d’autant plus que le PGD est un document évolutif, dont les différentes versions sont transmises tout au long du projet à l’agence de financement. C’est donc grâce à l’association de ces compétences que l’horizon de la Science Ouverte pourra progressivement se construire.


Article co-écrit avec Violaine Rebouillat :

Violaine Rebouillat est docteure en Sciences de l’information et de la communication. Ses recherches portent sur les données de la recherche et, en particulier, sur l’impact des politiques de science ouverte sur les pratiques des chercheurs. Ses travaux sont publiés dans des lieux reconnus par les pairs au niveau national et international. Attachée temporaire d’enseignement et de recherche (ATER) au département Informatique de l’Université Lyon 1,, elle enseigne dans le Master IMST et la Licence professionnelle DIST, auxquels elle apporte ses connaissances et ses compétences dans le domaine de la gestion et du partage des données de la recherche.

 

Pour aller plus loin

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