JO 2024 : où en sont les inégalités hommes-femmes ?
Les JO 2024 à Paris seront les premiers Jeux de l’histoire à atteindre une parité totale entre les hommes et les femmes, une avancée pour les femmes, mais est-ce représentatif de la réalité du sport aujourd’hui ?
Par Ana Robert. Publié le 08/07/2024
Un combat mené depuis de nombreuses années
Le combat pour la parité a été un long parcours semé d’embûches pour les femmes.
En 1900, à Paris, les Jeux Olympiques se sont ouverts pour la première fois aux femmes. Elles étaient à l’époque 22 sur les 997 athlètes participants (2 %) et n’avaient accès qu’aux épreuves de tennis et de golf. Par la suite d’autres sports ont été ouverts aux femmes comme le tir à l’arc, le patinage artistique et la natation.
En 1920, pour les JO d’Anvers, face au refus du Baron de Coubertin d’inclure des épreuves féminines d’athlétisme aux Jeux, la Fédération des sociétés féminines sportives de France, fondée en 1917 et dirigée par Alice Milliat, décide d’organiser en 1921 les premiers jeux mondiaux féminins d’athlétisme à Monte Carlo. La même année est créée la Fédération sportive féminine internationale (FSFI) dont Alice Milliat prend aussi la direction. Devant le grand succès des Jeux Mondiaux Féminins de 1926, le comité Olympiques cède et accepte d’inclure l’athlétisme féminin lors des prochains Jeux.
En 1928, à Amsterdam, cinq épreuves féminines d’athlétisme sont introduites. Les années suivantes, la progression de la participation des femmes aux JO continuera d’augmenter, si bien qu’elles ont représenté 13 % des participants aux JO de Tokyo en 1964, 23 % à Los Angeles en 1984, 44 % à Londres en 2012 et enfin, 50 % à Paris en 2024.
Après toutes ces années de batailles acharnées, la parité est enfin atteinte. Toutefois, elle semble avoir ses limites, car de nombreuses inégalités subsistent encore dans le milieu sportif.
Une parité imparfaite et controversée
En effet, malgré cette belle évolution en faveur de l’égalité homme-femme, la parité instaurée aux JO 2024 n’est pas représentative du milieu sportif aujourd’hui.
De fait, en France, les femmes ne sont que 32,8 % licenciées dans les fédérations olympiques. Cette non-parité ne pouvant plus se justifier par des politiques d’exclusions, pourrait se justifier par une inégalité de traitement et de reconnaissance ainsi que des environnements malsains où les filles et femmes subissent des allusions et actions sexistes. Par exemple, certains clubs sportifs ne proposent pas de sections féminines, ou alors dans un contexte contraint ( manque d’équipement, de budget, d’encadrement…).
Par ailleurs, les jeunes filles comme les jeunes garçons vivent une socialisation genrée dès leur plus jeune âge, accentuant les inégalités de genre. Selon Virginie Nicaise, Maîtresse de conférences en psychologie sociale à l’UFR STAPS de l’Université Claude Bernard Lyon 1, « cette socialisation qui apprend aux jeunes filles à être bienveillantes, attentives aux autres, à pratiquer des sports comme la danse, la gymnastique ou l’équitation plutôt qu’à se battre, à être indépendant et compétitif et à pratiquer des sports comme le rugby, le foot ou la boxe, est un frein à la pratique sportive des jeunes filles et des femmes ».
S’ajoute à cela la question de la représentations des femmes dans les instances dirigeantes, où les inégalités homme-femme sont criantes. Par exemple, en France, seules deux femmes (5,7 %) sont présidentes d’une fédération olympique (2023). Néanmoins, « la France est à l’avant-garde avec, en l’espace de huit ans, deux lois ambitieuses : celle du 4 août 2014, puis celle du 2 mars 2022 fixant l’exigence de parité dans les conseils d’administration des fédérations sportives pour 2024 et dans les conseils d’administration des ligues sportives régionales pour 2028 » , souligne sur Pop’Sciences Cécile Ottogalli, Maîtresse de conférences à l’UCBL et spécialiste de l’étude du genre.
Au niveau des entraîneurs et entraîneuses, ainsi que des arbitres, on retrouve encore une fois ces mêmes inégalités. À titre d’exemple, en 2023 les pourcentages d’entraîneuses nationales était de seulement 11%, d’après l’INJEP. Cette sous-représentation des figures importantes du sport influence aussi les jeunes sportives qui se limitent inconsciemment et finissent par arrêter à défaut d’encouragements.
Un sexisme encore bien ancré dans les mœurs
Encore aujourd’hui, le sexisme reste présent dans le milieu du sport de haut niveau et les sportives font toujours face à de nombreuses discriminations, comme l’a illustré la polémique qui a éclaté lorsque NIKE à dévoilé les tenues dans lesquelles les athlètes américains pourraient concourir lors des JO 2024. De fait, la tenue pour les hommes reste simple avec un short cycliste et un t-shirt à manche courte alors que la tenue pour les femmes est très échancrée et moulante. En réponse, des sportives ont soulignés l’inconfort de cette tenue et la gène qu’elle pourrait même occasionner lors de leurs performances.
« Ils ne sont absolument pas faits pour la performance », a précisé Colleen Quingley, coureuse de demi-fond américaine et détentrice du record du monde du relais 4×1500 mètres. « Nos corps sont tous différents et il semble idiot de s’attendre à ce que nous concourions au plus haut niveau de notre sport sans un uniforme bien ajusté ». Lauren Fleshman, ancienne athlète et championne américaine du 5000 mètres en 2006 et 2010 ajoute que « les athlètes professionnels devraient être capables de concourir sans avoir à consacrer d’espace cérébral à une vigilance constante du pubis ou à la gymnastique mentale consistant à exposer chaque partie vulnérable de son corps ». Pour elle, « si cette tenue était réellement bénéfique à la performance physique, les hommes la porteraient » (source : Le Parisien).
Autre exemple, la France a interdit aux sportives françaises le port du hijab lors des Jeux Olympiques 2024, à Paris. En réaction, les ONG « Sport and Rights Alliance » et « Human Rights Watch » ont récemment accusé la France de discrimination et ont envoyé une lettre au CIO, leur demandant d’annuler les interdictions visant les athlètes portant un hijab. Suite à cette annonce, d’autres organisations ont réagi comme l’ONU qui s’est clairement opposé à cette décision, rappelant par la voix de la porte-parole du Haut-Commissariat aux droits de l’homme, Marta Hurtado, son désaccord au fait d’imposer aux femmes ce qu’elles doivent ou non porter. De même, d’après la Fédération sportive de solidarité islamique (ISSF), basée à Ryad en Arabie saoudite et composée de 57 pays membres majoritairement musulmans, le voile est «un aspect de l’identité de nombreuses femmes musulmanes» et doit « être respecté ». Selon cette fédération, l’interdiction française pourrait même empêcher certaines athlètes musulmanes françaises de participer aux JO. À ce jour, la France n’a pas exprimé de volonté de revenir sur sa décision.
Ressources
Le leadership des femmes dans le sport, vers plus de parité ?, à lire sur Sciences pour tous
L’égalité femmes-hommes dans le sport français : une chimère ?, à lire sur Pop’Sciences
« Toutes musclées », une histoire du sport au féminin, une série documentaire à voir sur Arte