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LA GREFFE DE FOIE

Une décision lourde et une course contre la montre
pour les médecins

LA GREFFE DE FOIE

Une décision lourde et une course contre la montre pour les médecins

LA GREFFE DE FOIE

Une décision lourde et une course contre la montre pour les médecins

LES MALADIES DU FOIE

L’accès à la greffe : plongée dans la réanimation hépatique

L’accès à la greffe : plongée dans la réanimation hépatique

Par Matthieu Martin. Publié le 03/09/2022

Les maladies du foie | La réanimation intervient après la transplantation mais également avant. Il revient au service de réanimation hépatique d’orienter les patients vers la greffe de foie. Une décision qui s’appuie sur de nombreux critères médicaux, cliniques et sociaux.

Les maladies du foie, si elles ont diverses causes, se manifestent par la même conséquence : la dégradation du foie. Lorsqu’elle atteint un stade sévère, on parle d’insuffisance hépatique. Le foie dysfonctionne et la vie peut-être rapidement menacée. Seule la greffe de foie peut suppléer à la défaillance de l’organe. Seulement, si la transplantation hépatique permet de guérir l’insuffisance hépatique dans plus de 90% des cas, on compte en France environ un donneur pour trois receveurs. L’accès à la greffe n’est donc pas systématique et les patients sont placés sur liste d’attente nationale, avec un délai jusqu’à la greffe qui varie selon la gravité du patient et la disponibilité des greffons. L’évaluation de l’état du patient à son arrivée à l’hôpital constitue à ce titre une étape cruciale. Cette décision d’amener le patient à la transplantation hépatique conjugue intérêt individuel du patient – assurer la réversibilité de la maladie – et intérêt collectif – allouer au mieux les greffons –, dans un contexte de pénurie de greffons. « Notre rôle est d’améliorer l’état général du patient pour arriver dans les meilleures conditions possibles à la greffe et garantir le succès de la transplantation hépatique, c’est-à-dire la survie à moyen et long terme », explique le Dr Céline Guichon, en charge du service de réanimation hépatique de la Croix Rousse des Hospices Civils de Lyon.

Une décision lourde, alors que s’engage une course contre la montre. Car contrairement à d’autres organes vitaux comme le cœur, les poumons ou les reins, on ne sait pas suppléer aux fonctions du foie artificiellement. Ce dernier intervient entre autres dans la thermogénèse, la régulation glycémique, les défenses immunitaires… Lorsque l’organe défaille, il se produit un orage inflammatoire, sorte de choc septique permanent. C’est particulièrement fulgurant dans le cas d’une intoxication au paracétamol, ou, cas plus rares, suite à une hépatite virale aigüe. Le foie qui était alors sain se dégrade très rapidement avec un risque de décès, laissant entre 24 et 48h aux médecins pour décider de recourir à une greffe ou non.

Évaluer et rapatrier

Un cas d’insuffisance hépatique est souvent repéré en premier par le médecin traitant ou lors d’une hospitalisation en urgence pour une complication de l’insuffisance hépatique. Un réseau régional via une ligne téléphonique existe en région Auvergne Rhône Alpes, pour faciliter le recours des médecins de la région à un avis d’expert. Les médecins de l’hôpital de la Croix Rousse mènent un travail d’expertise et de conseil auprès des médecins locaux afin de gérer les patients à distance et faire un premier pronostic sur l’état du patient. Si l’insuffisance hépatique nécessite une transplantation, alors le patient sera rapatrié à l’hôpital de la Croix Rousse, où se situe le centre de greffe hépatique adulte de Lyon. Selon les causes et l’état du patient, celui-ci peut être évalué à l’hôpital puis pris en charge à son domicile jusqu’au jour de la transplantation. Dans le cas d’une hépatite fulminante, le patient sera rapatrié directement à l’hôpital et pris en charge par le service de réanimation jusqu’à la transplantation.

L’orientation vers un projet de greffe tient compte de l’histoire du patient, ainsi que de nombreux critères médicaux, cliniques, mais aussi sociaux. Ainsi, en cas de cirrhose, les médecins évaluent les facteurs déclenchants (hémorragie digestive, infection virale, consommation d’alcool…). « Cela permet parfois d’améliorer l’insuffisance hépatique sans nécessité de recours à la greffe, ou de temporiser sans engager le pronostic vital du patient » souligne, Fanny Lebossé, chercheuse au CRCL1 et Dr au service d’Hépatologie de la Croix Rousse. Certains critères de co-morbidité peuvent contre-indiquer la greffe, comme l’état du cœur du patient, un cancer en cours… D’autres facteurs comme l’addiction à l’alcool ou l’obésité sont également pris en compte. Le contexte social du patient peut aussi être déterminant. « Est-ce que le patient sera capable de prendre soin de son greffon, suivre une prise en charge médicale (rendez-vous médicaux, prise d’immuno-suppresseurs). On doit sentir l’implication du patient et de la famille pour tirer le meilleur profit d’une ressource précieuse » témoigne Céline Guichon.

On associe encore trop souvent la cirrhose à l’alcoolisme. [...] Les patients en sont les premières victimes. La stigmatisation dont ils souffrent peut créer des barrières d’accès aux soins, à la réanimation et à la greffe.

Cette prise de décision nécessite un dialogue avec de nombreuses spécialités médicales (chirurgiens, addictologues, anesthésistes, réanimateurs, hépatologues…), mais aussi avec le patient, son médecin traitant et son entourage. Ceci en un temps très court. Malheureusement, ces évaluations n’échappent pas à certains stigmas, reconnaissent les scientifiques. Notamment lorsque l’alcool est identifié comme l’une des causes de la maladie. Pour Fanny Lebossé, les maladies du foie restent méconnues du grand public, et parfois aussi des professionnels de santé. On associe encore trop souvent la cirrhose à l’alcoolisme. Or, les causes menant à la cirrhose sont nombreuses et souvent intriquées. « Même quand la consommation d’alcool est mise en cause, elle se conjugue souvent à d’autres causes, notamment la NASH (aussi appelée maladie du foie gras) », poursuit la chercheuse dont les travaux visent notamment à comprendre la physiopathologie des maladies graves du foie. Les patients en sont les premières victimes. La stigmatisation dont ils souffrent crée des barrières d’accès aux soins, à la réanimation et à la greffe, même si les soignants s’informent davantage et que la censure liée à la consommation d’alcool s’efface tempère Céline Guichon. Afin d’améliorer le diagnostic des patients, médecins et chercheurs travaillent sur de nos nouveaux marqueurs permettant d’évaluer plus objectivement l’état du foie des patients. C’est l’intérêt du projet de Fanny Lebossé et du Pr M. Levrerro au CRCL visant à identifier des biomarqueurs pour prédire le risque pronostic des patients atteints de cirrhose décompensée – lorsque le foie défaille. Une autre étude en cours aux HCL2 étudie également la pertinence de marqueurs non-invasifs – avec une prise de sang – pour adapter les traitements après la greffe. Par ailleurs, des chercheurs et médecins aux HCL participent aussi à un projet national3 afin de mieux évaluer le risque de mortalité sur liste d’attente de transplantation hépatique et ainsi améliorer le système d’allocation des greffons hépatiques. Des pistes de recherche pour tendre vers une meilleure prise en charge des patients, un meilleur accès à la greffe et pallier cet écart entre donneurs et receveurs. À Lyon, les machines à perfusions développées par l’équipe de chirurgie du Pr. Mabrut (Lyon 1/HCL – CRCL)4 ouvrent également de nouvelles perspectives en améliorant la qualité des greffons. Un effort qui doit cependant s’accompagner de davantage de dons de foie au profit des patients, soulignent les scientifiques.

1 Centre de recherche en cancérologie de Lyon (CNRS/Université Claude Bernard Lyon 1/Inserm/Centre Léon Bérard)

2 Cette étude implique les Dr Radenne, Antonini et Lebossé du service d’hépatologie de la Croix Rousse, ainsi que le Dr Guichon.

3 Cette étude implique Fanny Lebossé, le Dr Marie charlotte Delignette (Lyon 1/HCL – Laboratoire Pi3) du service de réanimation de la Croix Rousse, ainsi que les Pr Monneret et Pr Venet (Lyon 1/HCL – CIRI) du service d’immunologie de l’Hôpital Édouard Herriot.

4 Projet Liver-Assist aux HCL, impliquant également Les Dr Rossignol et Dr Muller dans le service de chirurgie générale, digestive et transplantations hépatiques et intestinales des HCL

Crédits photographie – © Fabien Franco (HCL)

1 Centre de recherche en cancérologie de Lyon (CNRS/Université Claude Bernard Lyon 1/Inserm/Centre Léon Bérard)

2 Cette étude implique les Dr Radenne, Antonini et Lebossé du service d’hépatologie de la Croix Rousse, ainsi que le Dr Guichon.

3 Cette étude implique Fanny Lebossé, le Dr Marie charlotte Delignette (Lyon 1/HCL – Laboratoire Pi3) du service de réanimation de la Croix Rousse, ainsi que les Pr Monneret et Pr Venet (Lyon 1/HCL – CIRI) du service d’immunologie de l’Hôpital Édouard Herriot.

4 Projet Liver-Assist aux HCL, impliquant également Les Dr Rossignol et Dr Muller dans le service de chirurgie générale, digestive et transplantations hépatiques et intestinales des HCL

Crédits photographie – © Fabien Franco (HCL)

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Un dossier réalisé par l’Université Claude Bernard Lyon 1 en partenariat avec les Hospices civils de Lyon

L’émergence de l’axe hépatologie à Lyon repose sur un solide historique sur les hépatites virales, mais aussi sur des expertises de niveau international sur les maladies métaboliques (maladie du foie gras), les pathologies alcooliques, les cancers, la transplantation hépatique… Les équipes cliniques associées aux chercheurs de l’université Claude Bernard Lyon 1 travaillent main dans la main pour proposer des solutions innovantes et optimisées pour chaque patient, adulte et enfant, des HCL. L’intégration de la recherche et des soins d’excellence permet une prise en charge unique pour toutes les pathologies du foie.

Un dossier réalisé par l’Université Claude Bernard Lyon 1 en partenariat avec les Hospices civils de Lyon

L’émergence de l’axe hépatologie à Lyon repose sur un solide historique sur les hépatites virales, mais aussi sur des expertises de niveau international sur les maladies métaboliques (maladie du foie gras), les pathologies alcooliques, les cancers, la transplantation hépatique… Les équipes cliniques associées aux chercheurs de l’université Claude Bernard Lyon 1 travaillent main dans la main pour proposer des solutions innovantes et optimisées pour chaque patient, adulte et enfant, des HCL. L’intégration de la recherche et des soins d’excellence permet une prise en charge unique pour toutes les pathologies du foie.

1 commentaire pour “La greffe de foie, plongée dans la réanimation hépatique”

  1. Merci pour cet article très intéressant. Effectivement il ne doit pas être simple de classer les patients selon leur risque hépatique! C’est tout un art et de nouvelles méthodes ne pourront que faciliter le travail des médecins!

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