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Nous avons besoin de super-isolants

Ça tombe bien: les aérogels de silice sont parfaits pour le job.

Commençons par deux chiffres:

  • 75% de nos bâtiments sont des poubelles énergétiques, qui jettent littéralement l’énergie par les fenêtres ;
  • Par ailleurs, plus de 5 millions de ménages, en France, sont en situation de précarité énergétique. Cela signifie que plus de 10% de leur budget est consacré à l’énergie. L’ADEM estime ainsi, dans un rapport de 2008, que les ménages les plus pauvres dépensent jusqu’à 15% de leur budget pour l’énergie, contre seulement 6% dans les ménages les plus aisés.

Deux chiffres qui disent bien qu’améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments, et en particulier l’isolation, est important et urgent.

Alors du coup, nous avons d’autant plus de plaisir à vous présenter une super-héroïne, mais alors une super-héroïne toute petite, toute mignonne, toute pleine de vide et pourtant pleine de ressource…

Un super isolant qui se niche là où aucun autre isolant ne peut se glisser…

 La silice !

La silice, mais qu’est-ce que c’est ?

La silice, à la base, c’est un minerai qui se trouve un peu partout dans la nature. Par exemple, tout simplement, dans le sable.

La silice dont nous parlons aujourd’hui est un aérogel fabriqué à partir de cette matière première.

Un aérogel, c’est comme un gel, mais sans le côté un peu gluant puisqu’à la place de l’eau, vous avez de l’air.

Notre aérogel de silice se présente donc comme un gros grain, qui ressemble un peu à du gros sel, sauf que lui :

  • Il est translucide
  • Il est constitué à 99% de vide (il ne pèse quasiment rien)
  • C’est un super-isolant, donc.

Tellement efficace qu’on l’utilise pour les navettes spatiales ou les bâtiments qui ont des façades entières transparentes. Et vous pouvez aussi en mettre chez vous !

Comment une chose pleine de vide peut-elle être super isolante ?

Pour répondre à cette question, je vous invite à plonger avec moi par la pensée à l’intérieur d’un grain d’aérogel de silice.

On l’a vu, les grains d’aérogel sont remplis à 99% de vide.

Les 1% restants, c’est un chemin d’atomes de silice. Chaque pavé de mon chemin, chaque atome, mesure 111 picometres (soit 111 billionnièmes de mètres). Et le chemin fait plusieurs centaines de nanomètres (milliardièmes de mètre).

On est dans le domaine des nanotechnologies

Nous voilà dans le grain d’aérogel. Tout baigne dans une lumière douce, puisque le grain est translucide. Nous nous tenons sur le premier atome de la chaîne, et nous devons sauter d’atome en atome pour traverser le grain et ressortir.

Sauf que… sur chaque atome, les chercheurs en science des matériaux sont venus poser quelque chose qui repousse l’eau.

Ce quelque chose qui repousse l’eau, c’est un atome de trimétyl. Il a trois bras.

Donc ce que vous visualisez, maintenant, ce n’est plus un chemin tout droit, pavé d’atomes, qui se déroule devant vous : c’est un chemin avec plein d’embranchements qui partent sur les côtés.

Notre sentier pavé d’atomes est devenu très tortueux, un vrai labyrinthe, et ça, c’est une très bonne chose pour isoler : une fois qu’on y entre, il est très difficile d’en sortir.

C’est vrai si l’on se déplace par les brins de solide,  par le gaz et par le radiatif, qui sont les 3 aspects sur lesquels il faut jouer pour rendre un matériau plus isolant.

Et c’est nouveau ?

 Ça a été mis au point il y a soixante-dix ans par un chercheur qui s’appelle Kiesler.

Et puis amélioré à Lyon par une collaboration entre l’Université Claude Bernard Lyon 1, l’association ARmines, et  la recherche & développement du groupe PCAS.

On a toujours aujourd’hui à Lyon de très bonnes équipes de chercheurs qui approfondissent les recherches sur ce super-isolant.

On peut citer en particulier Geneviève Foray, qui dirige un laboratoire commun entre son laboratoire et l’entreprise EDF-R&D, laboratoire commun qui s’appelle Matériaux pour l’efficacité énergétique des bâtiments.

Ils cherchent par exemple à comprendre comment ce matériau vieillit. Puisque bien sûr, quand on rénove des bâtiments, on n’a pas envie de refaire l’isolation tous les 10 ans.

Mais ce n’est pas parce que c’est récent et que la recherche travaille dessus que vous ne pouvez pas en mettre chez vous !

Ce n’est pas trop cher, ce super-isolant ?

 Alors d’accord, le prix au mètre-carré est 5 à 10 fois plus élevé qu’un isolant classique MAIS :

  • C’est beaucoup plus efficace, on le redit,
  • Et surtout, cela prend très très peu de place puisque quelques grains au mètre-carré suffisent pour rendre un matériau isolant.

Et ça, ce n’est pas rien !

Imaginez que vous ayez un tout petit logement (une chambre de bonne, ou un petit studio) à isoler pour pouvoir le louer ou le vendre.

Un isolant classique, c’est-à-dire une mousse, va vous rogner des mètres-carré. L’aérogel de silice, non.

Si vous êtes architecte et que vous avez eu la vision d’un immeuble entièrement transparent, vous pourrez isoler avec de l’aérogel de silice puisqu’il est transparent.

Si vous devez augmenter l’efficacité énergétique d’un bâtiment présentant une belle façade ancienne, là encore l’aérogel de silice fera le boulot sans abîmer votre façade.

Et vous pouvez même l’acheter sous forme de papier peint pour décorer tout en isolant.

Terminons en disant que les mousses isolantes risquent d’être un jour en rupture de stock au niveau mondial, car le précurseur qui sert à les fabriquer se raréfie.

Donc ça vaut le coup de continuer à faire un peu de recherche sur les aérogels, vous ne croyez pas ?