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Le doctorat, la tête et les jambes

En 2e année de thèse en sciences du sport, Manon Gouez nous rappelle les bienfaits de pratiquer une activité physique pendant le doctorat, aussi bien pour notre corps que pour nos cellules grises ! 

lecture : 5-6 min

Manifestement, l’expérience du doctorat est unique. Chaque doctorant(e) entreprend un chemin qui lui est propre. Il est donc impossible de parler au nom de tous. En revanche, pour chacun d’entre nous, la thèse est un marathon et non un sprint. L’important est de tenir la distance, gérer sa course, apprécier l’épreuve et franchir la ligne d’arrivée. Voilà ce qui nous lie.

Une Activité Physique (AP) régulière contribue à la santé et au bien-être tout au long de la vie. Et pourtant, lorsque le parcours du doctorat est évoqué, la considération des activités physiques et sportives est peu abordée. Actuellement en deuxième année de thèse de sciences en physiologie de l’exercice physique appliquée au domaine de la cancérologie, je ne peux qu’encourager mes collègues doctorant(e)s à s’engager dans une pratique physique et/ou sportive pour tous les bienfaits physiques, psychologiques et sociaux que le sport procure.

 

A la recherche de l’équilibre

Si nous résumons le parcours du doctorat en une expression cela pourrait être : « une traversée perpétuelle de montagnes russes émotionnelles ». En effet, nous jonglons entre différents états émotionnels : comme la joie d’obtenir des résultats, des financements, de publier un article, de réussir à transmettre des connaissances, ou encore la fierté de mener un projet. Mais aussi la frustration, l’irritation, la déception suite à une expérimentation échouée, des refus de financement, une charge de travail importante, l’exigence du parcours doctoral, le sentiment d’être seul(e) et de ne pas être toujours compris(e), la culpabilité de prendre quelques jours de congés… Autant d’états d’émotionnels qu’un(e) doctorant(e) doit surmonter lors de son parcours en thèse (Haag et al., 2018).

La charge de travail et la difficulté de « faire un break », empêchent certains doctorant(e)s de s’accorder du temps pour pratiquer une AP quotidienne voire hebdomadaire (Broc et al., 2020) comme la course à pied, le yoga, le renforcement musculaire, le vélo etc.

 

Les bienfaits de l’activité physique et du sport

Outre les bienfaits sur la condition physique, la santé cardiovasculaire, la protection contre les maladies chroniques, l’augmentation de la masse musculaire et le maintien d’un poids de forme, le sport ou l’AP est aussi bon pour le mental. Allons faire un voyage au cœur du cerveau et des neurosciences.

De plus en plus d’études s’accordent à dire que l’AP entraîne des effets protecteurs, voire thérapeutiques, vis-à-vis de certaines pathologies mentales (Inserm, 2019). Laissez-moi vous exposer quelques effets bénéfiques du sport sur nos fonctions cognitives.

Déconnexion. Tout d’abord faire du sport permet de « déconnecter » et favorise la bonne humeur. Lorsque nous faisons du sport, l’activité de la zone en avant du cerveau appelée cortex préfrontal, jouant un rôle important dans les émotions et les troubles de l’humeur, diminue. Les ressources nerveuses sont alors utilisées par la zone plus en arrière du cerveau (fig. 1) nécessaire à la perception de nos différentes parties du corps dans l’espace, à la planification et à l’exécution des mouvements.

 

Bien-être mental. Parlons de la dopamine, ce neurotransmetteur (composé chimique libéré par les neurones) connu pour son rôle essentiel dans le système de récompense et qui favorise le sentiment de bien-être mental. La pratique d’AP stimule de la sécrétion de dopamine dans le tronc cérébral. D’autre part, le sport permet également la libération d’un acide aminé (composé chimique) : le tryptophane, un précurseur de la fabrication de sérotonine qui a elle-même une fonction importante de la gestion de nos émotions. En somme la pratique régulière AP, quelle que soit l’intensité, protège contre une dépression future (Harvey et al., 2017).

Gestion des émotions. L’AP permet de diminuer la concentration de cortisol reconnue pour être une hormone de stress. Il a été prouvé que des quantités trop importantes de cortisol sanguin détérioraient les capacités à poursuivre un objectif ainsi que le rappel des souvenirs (Glienke et al., 2017). Sur le long terme, ces quantités détruisent les neurones dans les zones clés de la mémoire comme l’hippocampe. La pratique régulière d’AP permet la diminution de la concentration de cortisol circulant au niveau sanguin et permet donc de diminuer le stress ou d’en limiter son apparition.

Mémoire de travail. Bien que d’autres études soient nécessaires, des travaux scientifiques ont montré que l’activité physique régulière permettait d’améliorer significativement la mémoire de travail chez des adultes en bonne santé (Rathore and Lom, 2017). Plus d’études chez les adultes en bonne santé sont nécessaires mais néanmoins, des résultats sont déjà prometteurs dans ce domaine (Smith et al., 2010).

 

Immunité. Autre effet et non des moindres, la modulation de l’activité de notre système immunitaire, celui qui nous protège des agressions extérieures (virus, bactéries etc.) et nous empêche d’être malade ou nous aide à combattre un virus ou une infection. En effet, il est reconnu que l’exercice physique permet d’améliorer l’activité de certaines cellules immunitaires comme les globules blancs (leucocytes), les globules rouges (érythrocytes), les cytokines, etc. En somme, l’AP permet d’améliorer la santé immunitaire de notre organisme (Alack et al., 2019).

 

Se lancer dans une activité physique

« Une journée comprend 1440 minutes. N’est-il pas possible de consacrer 30 minutes pour pratiquer une activité physique et bénéficier de ses effets positifs ? »

Pour répondre aux recommandations de santé de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS, 2020), nous devrions consacrer :

  • au moins 150 à 300 minutes par semaine à une activité d’endurance d’intensité modérée ou bien au moins 75 à 150 minutes d’activité d’endurance d’intensité soutenue ;
  • ou une combinaison équivalente d’activités d’intensité modérée et soutenue tout au long de la semaine.
  • Pour plus de bénéfices sur la santé, il est également recommandé de pratiquer au moins 2 activité de renforcement musculaire d’intensité modérée à plus intense par semaine en faisant travailler les principaux groupes musculaires.

Au sujet de l’intensité des séances d’activité physique et sportive, le MET (metabolic equivalent of task) est l’unité permettant d’évaluer la dépense d’énergie d’une activité et donc son intensité :



En définitive, faire du sport avec plaisir, permet de s’impliquer dans une activité autre que celle de son travail de thèse. Séance après séance, nous nourrissons notre satisfaction personnelle, notre estime de soi et notre niveau d’autonomie.

Et si nous choisissons de partager cette séance, nous pourrons créer de nouveaux liens sociaux, sortir du contexte de la thèse et donc « déconnecter » au plus grand bonheur de notre cerveau, qui doit lui aussi faire preuve d’endurance ! Rappelez-vous : la thèse est un marathon et non un sprint !

Des conseils de podcasts pour l’AP

Les conseils de sportif.ves by Decathlon
Dans la tête d’un coureur
50 Nuances de sport
Du Sport de Binge Audio

Des Applications smartphone

Down Dog Yoga, Adidas Running, Strava, Nike Training, ClubFreeletics, TRX

 

Pour aller plus loin 

(1) Haag et al., 2018. Stress perçu et santé physique des doctorants dans les universités françaises. Pratiques psychologiques 24 ; 1–20.

(2) Broc et al., (2020) Burnout académique en doctorat. Validation d’une échelle de burnout adaptée aux étudiants francophones en doctorat. Annales Médico-Psychologiques 178 ; 517–524.

(3) Glienke et al., (2017). Stress-related cortisol responsivity modulates prospective memory. J Neuroendocrinol; 29(12). 

(4) Guezennec, C. Y. (2008, December). Effets de l’exercice physique et de l’entraînement sur la neurochimie cérébrale. Conséquence comportementale. Annales Médico-psychologiques, revue psychiatrique (Vol. 166, No. 10, pp. 813-816). 

(5) De Moor et al. (2006). Regular exercise, anxiety, depression and personality: a population-based study. Preventive medicine, 42(4), 273-279.

(6) Thomas et al., The effects of aerobic activity on brain structure. Frontiers in Psychology, vol. 3, art. 86, 2012.

(7) M. W. Voss, et al, Exercise, brain, and cognition across the life span, Journal of Applied Physiology, vol. 111, S. 1505-1513, 2011

(8) Smith et al., Aerobic exercise and neurocognitive performance: A meta-analytic review of randomized controlled trials, Psychosomatic Medicine, vol. 72, pp. 239-252, 2010.

(9) Harvey et al., (2017). Exercise and the prevention of depression. Results of the HUNT Cohort Study, American Journal of Psychiatry. 175(1):28-36.


Cet article a été réalisé par Manon Gouez pour Sciences pour tous.

Sa bio :

“Après l’obtention d’un Master 2 Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives (STAPS) mention Activité Physique Adaptée et Santé (APAS) puis d’un master 2 Recherche en sciences du sport à l’Université de Lille, j’ai obtenu le concours doctoral de l’École Doctorale Interdisciplinaire Sciences-Santé (ED205) de l’Université de Lyon 1 en 2019.

Je suis actuellement en 2ème année de thèse au sein du Département Prévention Cancer Environnement (Centre Léon Bérard, Lyon) et l’équipe l’Équipe Athérosclérose, Thrombose et Activité Physique du LIBM.

Dès le début du doctorat j’ai décidé d’entreprendre une reconversion sportive (ancienne sportive de haut niveau au Handball). Le CrossFit® et le Yoga sont les ingrédients indispensables à mon parcours en thèse.”


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