Pollution sonore
le bruit des avions affecte notre santé
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le bruit des avions affecte notre santé
pollution lumineuse
l'urgence est à l'extinction des feux
Pollution sonore : le bruit des avions affecte notre santé
Pollution sonore : le bruit des avions affecte notre santé
Par Matthieu Martin.
Ville de demain | Une vaste étude épidémiologique menée au Laboratoire UMRESTTE met en relation l’effet du bruit des avions et la santé des riverains qui vivent à proximité des aéroports ou des couloirs aériens. Composante discrète dans les actions contre la pollution en ville, la pollution sonore liée au trafic aérien se révèle à travers cette recherche comme un symptôme d’une qualité de vie dégradée dans les milieux urbains.
Parmi les nombreux effets du confinement, il en est un qui a surpris, agréablement, plus d’un citadin. Le calme qui régnait en ville. Pour beaucoup, nos villes sont aujourd’hui trop bruyantes. Les nuisances sonores constituent d’ailleurs une préoccupation croissante des habitants. Et en premier lieu, celles des transports. Pour 54 % des Français, le bruit des transports est la principale source de nuisances, révèle un rapport de l’ADEME sur le coût social du bruit en France.
Dans ce brouhaha constant, la recherche scientifique tâche d’identifier les effets de ces nuisances sonores sur les populations, avec des effets sur la santé de plus en plus documentés ces dernières années. Aujourd’hui, l’OMS reconnaît comme avérés quatre effets de l’exposition au bruit des transports sur la santé : les perturbations du sommeil, la gêne due au bruit, une augmentation du risque de maladies cardiovasculaires, et un retard sur les apprentissages chez les enfants. D’autres effets sont également explorés par la recherche depuis quelques années, comme les effets sur le système endocrinien ou le système métabolique (risques d’obésité et de diabète de type II) ; sur le risque de cancers ; ou encore des effets comportementaux (irritabilité, perception dégradée que les individus ont de leur santé). La problématique peut sembler mineure, en comparaison d’autres enjeux comme la pollution de l’air, ou le réchauffement climatique, mais le coût social lié à la pollution sonore est en réalité loin d’être négligeable (estimé à plus de 147 milliards d’euros par an selon l’ADEME).
En France, les conséquences de l’exposition au bruit des transports restent cependant insuffisamment évaluées. En particulier en ce qui concerne le trafic aérien. Dans une enquête nationale menée par l’Institut National de Recherche sur les Transports et leur Sécurité en 2005, environ 7% de la population française se déclarait gênée par le bruit des avions. « Un constat qui doit nous faire relativiser les discours souvent mis en avant par les compagnies sur l’amélioration des technologies en matière d’acoustique », avance Fanny Mietlicki, directrice de l’association BruitParif. Les nuisances sonores font d’ailleurs régulièrement partie des arguments des riverains opposés aux projets d’extension des aéroports. Anne-Sophie Evrard, chargée de recherche à l’UMRESTTE (unité mixte de l’Université Gustave Eiffel et de l’Université Lyon 1), coordonne justement depuis 2009 un vaste programme de recherche épidémiologique qui permet de mieux connaître et de mieux quantifier les effets de l’exposition au bruit des avions sur la santé des riverains des aéroports français.
Zones de bruits autour des trois aéroports sur lesquels a porté l’étude DEBATS.
La distance à l’aéroport n’est pas le facteur le plus déterminant pour étudier l’exposition au bruit des riverains, ce que révèle les zones de bruits autour des trois aéroports concernés dans l’étude DEBATS. La localisation par rapport aux couloirs aériens est bien plus pertinente. Les zones d’exposition au bruit des avions dépassant les 50 dB peut ainsi s’étendre sur près de 40 km.
L’organisation mondiale de la santé recommande en matière de trafic aérien d’éviter une exposition à des niveau sonores excédant 45 dB (et 40 dB la nuit). Or, en France environ 2 millions d’individus sont exposés à des niveaux sonores supérieurs à ce seuil. Près de 500 000 personnes seraient même exposés à des niveaux considérés comme critiques (> 55 dB).
Le projet DEBATS : évaluer les effets du bruit des avions sur la santé des riverains des aéroports
Le programme de recherche DEBATS, conduit dans les communes situées à proximité des aéroports Paris-Charles-de-Gaulle, Lyon-Saint-Exupéry et Toulouse-Blagnac, est la première étude en France à évaluer l’effet du bruit des avions sur la santé des riverains. Ses résultats confirment les nombreuses associations entre l’exposition au bruit des avions et les effets néfastes pour la santé déjà avancées dans la littérature internationale.
Le projet DEBATS (Discussion sur les effets du bruit des aéronefs touchant la santé)
Dans le cadre du projet de recherche DEBATS, des scientifiques ont mené trois études complémentaire dans les communes situées à proximité des aéroports Paris-Charles-de-Gaulle, Lyon-Saint-Exupéry et Toulouse-Blagnac
Une première étude dite « écologique » menée à l’échelle des communes à partir de données statistiques publiques de santé. Une deuxième étude dite « longitudinale » a suivi pendant 4 ans 1244 riverains de ces communes. Ils ont répondu en 2013, 2015 et 2017 à des questionnaires individuels, ce qui a permis de caractériser leur état de santé en termes de qualité du sommeil, de gêne, d’hypertension, de stress, d’obésité, etc… Une troisième étude dite « étude sommeil » a porté sur un sous-échantillon de 112 de ces 1244 à l’étude longitudinale. Son objectif était de mesurer de manière objective les paramètres du sommeil (temps d’endormissement, durée totale de sommeil, durée des éveils, etc) de ces participants tout en caractérisant de manière fine et détaillée leur exposition au bruit des avions. Les scientifiques ont pour cela installé des capteurs de sons chez ces participants avec l’aide de l’association BruitParif.
« Les résultats de cette étude corroborent l’hypothèse que l’exposition au bruit des avions serait un stresseur, ce qui pourrait expliquer l’association observée entre exposition au bruit et effets délétères sur la santé »
Il ressort de l’étude écologique que les communes les plus exposées au bruit des avions enregistrent une plus forte mortalité par maladies cardiovasculaires, notamment, par infarctus du myocarde. Cependant, les résultats de ce type d’étude ne peuvent pas être extrapolés au niveau individuel et doivent être confirmés par des études individuelles. L’étude longitudinale montre que plus les participants sont exposés au bruit des avions, plus ils se déclarent gênés par ce bruit. L’association entre l’exposition au bruit des avions et une dégradation de la qualité du sommeil déclarée par les participants est également confirmée. La sécrétion du cortisol, une hormone marqueur des états de stress, est également affectée. « Les résultats de cette étude corroborent l’hypothèse que l’exposition au bruit des avions serait un stresseur, ce qui pourrait expliquer l’association observée entre exposition au bruit et effets délétères sur la santé », résume Anne-Sophie Evrard. Enfin, l’étude sommeil montre que plus l’exposition au bruit des avions augmente, plus les paramètres objectifs du sommeil s’en trouvent dégradés.
La pollution sonore, symptôme d’une qualité de vie dégradée ?
«L’étude des nuisances sonores est révélatrice d’un contexte social qui a pu évoluer ces dernières décennies dans le sens du développement du trafic aérien, au prix, chez les riverains, d’un sentiment de négligence, voire de mépris »
Pour autant, l’exposition au bruit n’est pas le seul facteur à prendre en compte quand on s’intéresse à la gêne due au bruit, reconnaît la chercheuse. Cette dernière est un phénomène complexe, qui ne se limite pas au niveau sonore subi. Ce dernier n’expliquerait en fait qu’une partie de la gêne. Il existe d’autres facteurs non acoustiques à prendre en compte. Certains sont individuels comme les facteurs démographiques et socio-économiques, la satisfaction résidentielle, les attitudes vis-à-vis de la source de bruit, les activités perturbées, la capacité à faire face au bruit, la confiance envers les autorités compétentes et la sensibilité au bruit. D’autres sont plus contextuels et relèvent d’une dimension territoriale et d’un contexte local. La gêne exprimée par les riverains ne s’associe donc pas seulement aux décibels émis mais renvoie également à des conditions vie. L’étude des nuisances sonores est révélatrice d’un contexte social qui a pu évoluer ces dernières décennies dans le sens du développement du trafic aérien, au prix, chez les riverains, d’un sentiment de négligence, voire de mépris. Un constat qui freine aussi les réglementations, souligne Fanny Mietlicki : « aujourd’hui, l’Europe peine encore à harmoniser les réglementations en matière de valeurs limites d’exposition au bruit des transports, mettant en avant la composante subjective de la perception du bruit, liée aux différences culturelles entre les États membres ».
Encore discrète dans les débats sur les pollutions en ville, la pollution sonore est donc un front à ne pas négliger et vient se superposer aux problématiques de mauvaise qualité de l’air, d’îlots de chaleur, de pollution lumineuse. Anne-Sophie Evrard plaide justement pour la prise en compte de l’ensemble de ces pollutions dans les politiques publiques mises en place, mais aussi au sein des communautés scientifiques. Toujours est-il que le constat reste le même : un changement de nos modes de transports, et de nos modes de vie, apparaît nécessaire pour conserver une bonne qualité de vie en ville.
La pollution sonore : quel impact sur la biodiversité ?
Ressources
Plus de cent professionnels de santé alertent sur le bruit aérien : « C’est l’espérance de vie qui est menacée », publié dans Le Monde le 9 décembre 2022.
Un dossier Sciences pour tous réalisé à l’Université Claude Bernard Lyon 1
Comment créer des espaces plaisants à vivre pour toutes et tous, performants dans leur manière de rendre des services multiples, et adaptables et résilients face aux défis de l’Anthropocène ? Ces derniers, dans un contexte d’urbanisation croissante, ont démontré aux décideurs comme aux citoyens qu’un changement de paradigme est nécessaire. Il n’est plus possible de concevoir une métropole comme un territoire largement découplé de la nature, mais bien d’imaginer des territoires urbains et péri-urbains comme des socio-écosystèmes où humains et non-humains peuvent vivre en harmonie.
S’appuyant sur des recherches et des travaux en cours à l’Université Claude Bernard Lyon 1 et dans les laboratoires lyonnais, des chercheurs et des chercheuses posent un regard sur la ville de demain, et l’importance de renouer avec notre environnement, de lui faire de la place et de le faire durer.
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