Une rééducation cérébrale, complémentaire à la kiné, permettrait de mieux récupérer certains usages des mains chez les personnes tétraplégiques.
Le gymnase de l’Hôpital Henry-Gabrielle est lumineux ce matin-là, avec ses larges baies vitrées donnant sur de grands arbres. Une demi-douzaine de personnes y travaillent dur : tapis, ballons, barres parallèles… Monsieur M., concentré sur l’effort de marche, s’applique comme tant de sportifs à répéter des mouvements. Mais Monsieur M. n’est pas un sportif comme les autres. Partiellement paralysé, il suit ici une rééducation intensive. Avant de repartir sur son fauteuil, il remercie d’une poignée de main son kiné, Sébastien Mateo.
Sébastien Mateo n’est pas non plus un kiné comme les autres. Post-doctorant au Centre de Recherche en Neurosciences de Lyon et au laboratoire de physique de l’ENS de Lyon, rééducateur aux Hospices Civils de Lyon, il partage son temps entre le gymnase d’Henry-Gabrielle et son activité de recherche.
Améliorer la préhension des patients tétraplégiques
Il coordonne TETRA NBF, un projet de recherche clinique faisant suite à l’étude pilote menée dans le cadre de sa thèse. Soutenue par un financement national du Ministère des Solidarités et de la Santé, elle portait sur la préhension chez les patients tétraplégiques.
Sébastien Mateo a testé une technique inédite, l’imagerie motrice. S’entraîner à imaginer un mouvement en complément d’une rééducation kinésithérapique améliore d’environ 30% la capacité à saisie des objets avec les mains, première préoccupation des patients. Ce qui se manifeste aussi par des changements durables dans l’activité du cerveau.
Cette étude pilote a permis de récolter suffisamment d’éléments de preuve pour ouvrir la voie à TETRA NBF, qui sera menée de 2017 à 2020 avec 21 patients aux CHU de Lyon et de Montpellier.
Les patients suivront en tout 15 séances d’imagerie motrice de 45 minutes étalées sur 5 semaines.
Leurs performances moyennes seront mesurées au départ, puis mesurées à nouveau à l’issue des 5 semaines de travail, et enfin deux mois plus tard.
L’étude doit permettre de comparer l’évolution de ces patients, d’abord selon qu’ils aient intégré le groupe contrôle, le groupe d’imagerie motrice uniquement, ou encore le groupe imagerie motrice avec neuro-biofeedback.
Comme Claude Bernard, la recherche au lit du patient
Permis par le logiciel libre OpenVibes, développé dans un laboratoire de l’Université Lyon 1, le neuro-biofeedback mesure et met en images l’activité de zones ciblées du cerveau, offrant au patient comme aux rééducateurs de contrôler en direct la qualité du travail en imagerie motrice.
C’est en effet une activité mentale éprouvante et difficile à maîtriser, en l’absence de mouvements physiquement exécutés : ce retour en images permettra sans doute de gagner en efficacité sur la rééducation de la préhension.
Sébastien Mateo, qui a repris ses études à Lyon 1 pour devenir kiné après quelques années comme professeur de sport, a toujours eu à cœur de mener une double activité de chercheur et de clinicien, les deux aspects s’enrichissant mutuellement.
Il assure aujourd’hui la formation à la recherche des étudiants en kiné à Lyon 1 :
Claude Bernard défendait la recherche au lit du patient, c’est ce que je m’applique à faire chaque jour !
Pour aller plus loin :
Découvrez (et utilisez) Open Vibes
Cet article a été publié dans le numéro 33 du magazine CLUB