Quel est le point commun entre un champignon et le Père Noël ?
Entre le personnage préféré des enfants et un eucaryote (nom savant du champignon), les points communs ne sautent a priori pas aux yeux… A moins que… Ce rouge, ce blanc… Ne seraient-ce pas aussi ceux de l’amanite tue-mouche ?
L’amanite tue-mouche, ce champignon au chapeau rouge moucheté de blanc, pousse à proximité de conifères comme le sapin et pourrait bien avoir été à l’origine de l’histoire du Père Noël que vous connaissez tous, avec sa hotte et son traîneau.
Une coutume chamanique
Il y a fort fort longtemps, en Sibérie, près du Pôle Nord (la maison du Père Noël avant qu’il ne déménage en Laponie), les chamans distribuaient aux villageois des amanites séchées en guise de cadeau pour le solstice d’hiver (qui tombe autour du 21 décembre).
Ce champignon est riche en acide iboténique. Cet acide a une action sur le cerveau et peut entraîner la mort : on dit qu’il est neurotoxique. Mais contrairement aux croyances populaires, il ne tue pas un homme à faibles doses, ou alors très rarement. L’acide iboténique peut également être décarboxylé, c’est à dire qu’il perd deux atomes de carbone et un d’oxygène, pour donner le muscimole. Un alcaloïde stupéfiant qui aide à croire au Père Noël ! Ce muscimole est peut-être l’élément-clé de la légende.
En effet, le muscimole agit sur le cerveau, comme l’acide iboténique. Mais il est, lui, psychoactif : il agit sur le cerveau. Il se fixe sur les récepteurs GABA (pour acide gamma-aminobutyrique, l’un des principaux messagers de notre système nerveux) et modifie les signaux électriques que le cerveau transmet à notre corps. Et comme toutes nos actions dépendent de ces signaux électriques, les pensées et la perception vont être modifiées. En d’autres termes, le muscimole est hallucinogène.
C’est bien le muscimole qui est responsable des effets hallucinogènes de certains champignons dont la consommation est fortement déconseillée !
Une théorie séduisante… mais pas complètement validée
Tout cela s’éclaire lorsqu’on sait que l’acide iboténique a tendance à décarboxyler lorsque l’on fait sécher l’amanite tue-mouches, ce qui augmente la concentration en muscimole. Les amanites séchées que recevaient nos Sibériens d’il y a fort fort longtemps étaient donc des gourmandises de nature à créer une belle magie de Noël… La théorie paraît infaillible, hein ? C’est en tout cas ce que pense John Rush, anthropologue et professeur au Sierra College à Rocklin en Californie. Toujours d’après John Rush, le chaman déposait son cadeau rouge et blanc dans une ouverture du toit car la neige bloquait l’entrée des demeures… un peu comme le Père Noël passe par la cheminée.
Et les rennes volants, dans tout ça ? Rappelez-vous, le muscimole donne des hallucinations : alors, de là à voir un renne s’envoler, il n’y a qu’un pas, comme l’a suggéré Donald Pfister, biologiste spécialisé en champignons à Harvard. Les rennes sont d’ailleurs eux-mêmes des consommateurs invétérés d’amanites tue-mouches. Un troupeau de rennes titubants, vus par des villageois ayant eux-mêmes consommés des champignons… Une explication séduisante aux rennes qui prennent de la hauteur !
Si l’usage chamanique de l’amanite tue-mouches en Sibérie est bien documenté, son lien avec notre Père Noël est un peu controversé… Mais quant à vous, croyez ce que vous voulez !
Cette chronique a été diffusée pour la première fois lors de l’émission Sciences pour Tous sur Radio Brume du 20 décembre 2015.