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Vous êtes ici : super-continent de galaxies Laniakea

Une tranche du Superamas Laniakea dans le plan équatorial supergalactique

Avec une équipe internationale, l’astrophysicienne-cosmographe Hélène Courtois a découvert le super continent de galaxies dans lequel nous vivons: Laniakea.

Parmi les nombreux obstacles qu’ont rencontrés Christophe Colomb et les explorateurs de l’Amérique, dessiner des cartes précises ne fut pas le plus facile à contourner. A l’époque des grands navigateurs (XVe et XVIe siècles), la cartographie s’appuyait sur l’exploration : longer les côtes pour dessiner les contours du continent, suivre les cours d’eau pour représenter les terres.

Quelques centaines d’années plus tard, c’est avec une méthode finalement assez proche que la cosmographe Hélène Courtois, de l’Institut national de physique nucléaire et de physique des particules (Université Claude Bernard Lyon 1 / CNRS), et trois confrères d’universités internationales* ont cartographié une vaste zone de notre univers observable. Mais leurs cartes à eux sont en quatre dimensions, et cette quatrième dimension vient bouleverser notre représentation de l’Univers.

Une nouvelle image de l’Univers

Dans l’Univers tel que le font apparaître les travaux d’Hélène Courtois et ses confrères, des bateaux (les galaxies) suivent les courants d’une rivière (la matière). Les galaxies sont regroupées en amas ou en superamas et se déplacent en évitant de grandes régions appelées “vides”. Leurs déplacements, provoqués par les concentrations de matière visible ou invisible, les amènent à se séparer ou se rassembler comme en suivant l’eau de la rivière de part et d’autre d’une ligne de partage.

L’équipe internationale assemblée par Hélène Courtois (une vingtaine de chercheurs en plus des quatre co-auteurs de l’article) ont créé des cartes de l’Univers dont le “champ de vitesse” des galaxies constitue la quatrième dimension. Plutôt que produire un instantané de leur position à un instant donné, les cartes montrent la dynamique de leurs déplacements :

Leur mouvement nous fournit de précieuses indications de cosmologie, par exemple sur la localisation de la matière noire : les mouvements dépendent de sa masse, or nous savons que la matière noire est la masse la plus importante dans l’Univers. Ils nous permettent aussi de mieux comprendre les lois fondamentales de l’univers comme la gravitation.

Nos horizons célestes

Les scientifiques ont connecté patiemment la surface joignant toutes les lignes de partage des flux de galaxies qui nous entourent. Notre continent de galaxies, le superamas dans lequel nous vivons, apparaît en creux : c’est le volume englobé, qui se sépare nettement des autres continents voisins. Notre “continent” mesure 500 millions d’années-lumière de diamètre et contient une masse d’environ 100 millions de milliards de fois celle du Soleil. Les chercheurs lui ont donné le nom hawaiien Laniakea, qui signifie “horizons célestes immenses”. Accepté par l’Union Astronomique Internationale, c’est un hommage à ce pays de navigateurs aux étoiles qui abrite désormais quelques-uns des plus grands télescopes du monde, utilisés pour cette découverte et celles qui suivront.

Une tranche du Superamas Laniakea dans le plan équatorial supergalactique. Les nuances de couleur représentent des valeurs de densité de matière avec en rouge la haute densité et en bleu les vides. Les galaxies individuelles sont montrées comme des points blancs. On observe en blanc des courants de galaxies se déversant dans le bassin d’attraction du Laniakea, tandis que des courants en bleu foncé s’éloignent de ce bassin local et permettent de séparer notre continent de ceux voisins. Le contour orange inclut les limites extérieures de ces courants. Ce domaine a une mesure de 500 Millions d’années lumière de diamètre et inclut ~1017 M⊙ (100 millions de millards de masses solaires). © Cosmic Flows

Regarder à travers plusieurs lunettes

Pour arriver à ces résultats, Hélène Courtois et ses partenaires ont mis au point une nouvelle méthode pour définir les structures à grande échelle à l’aide des courants de galaxies. Ces calculs sont basés sur les observations conduites par Hélène Courtois et les méthodes de visualisation de Daniel Pomarède, chercheur à l’Institut de Recherche sur les Lois Fondamentales de l’Univers, CEA/Saclay.

Ils ont concentré leurs observations sur un cube de 1,5 milliards d’années-lumière de côté, soit environ 2% de l’Univers observable. Ils ont réussi le tour de force de cartographier intégralement 8 000 des galaxies présentes dans cette zone avec une précision de 10-15% : “On mesure des vitesses de l’ordre de 1000 à 15000 kilomètres par seconde. Puis nous enlevons de cette mesure la part due à l’expansion de l’Univers : on parle de coordonnées co-mobiles. Il ne reste plus que la vitesse due uniquement à la masse de la galaxie et la gravité environnante, elle de l’ordre de 400 à 600 kilomètres par seconde ”, précise Hélène Courtois. Pour arriver à une précision aussi fine, il est indispensable de croiser les résultats obtenus par plusieurs techniques d’observation : analyse des supernovae et des “raies d’hydrogène neutre”, par exemple (voir encadré).

Hydrogène neutre : Cette méthode a été co-inventée en 1977 par R. Brent Tully, qui signe l’article avec Hélène Courtois. Elle consiste à observer les traînées d’hydrogène neutre (H pur) des galaxies à l’aide de radiotélescopes : les photons qu’elles émettent sont toujours à 21 cm de longueur d’onde. En vertu de l’effet Doppler, les raies s’élargissent en fonction de la vitesse de rotation de la galaxie. Et la vitesse de rotation est proportionnelle à la masse. Lumineux !

Et le Grand Attracteur ?

Plus important encore, les scientifiques posent les premiers jalons vers la résolution d’un des grands mystères de l’astrophysique moderne. On sait depuis 1986 que notre galaxie et ses voisines se déplacent dans la même direction à la vitesse de 630 kilomètres par seconde. Mais on ignorait jusqu’à présent quelle est la nature de ce “Grand Attracteur” dont on observait les effets sans voir suffisamment de masse dans sa région. Hélène Courtois a d’ailleurs fait sa thèse de doctorat sur le sujet en 1995. Les chercheurs montrent que cette région est en réalité un large vallon où se déverse la matière, un peu comme le point le plus bas d’une baignoire plate, et qui englobe une région 100 fois plus grande qu’on ne le pensait depuis cinquante ans. Qui sait quelles surprises nous réservent à présent les prochains horizons célestes ?

* R. Brent Tully (University of Hawaii), Yehuda Hoffman (Hebrew University Jerusalem), Daniel Pomarède (CEA/Saclay)

Couverture de Nature (4 septembre 2014) Cette découverte fait la Une de la prestigieuse revue internationale Nature datée du 4 septembre 2014.

The Laniakea Supercluster of Galaxies, Nature, volume 513, number 7516, p.71 (4 September 2014) par R.Brent Tully, Hélène Courtois, Yehuda Hoffman and Daniel Pomarede.

Pour aller plus loin
L’Institut de Physique des deux infinis (IP2I) est une Unité Mixte de Recherche (UMR 5822) agissant sous la double tutelle de l’Université Claude Bernard Lyon 1 et de l’Institut National de Physique Nucléaire et de Physique des Particules (IN2P3) du CNRS. Les activités de l’IPNL visent à étudier les propriétés des composants subatomiques de la matière ainsi que leurs interactions. Laboratoire essentiellement de physique expérimentale, ses thématiques de recherche sont variées puisqu’elles concernent la physique des particules et des astroparticules, la matière nucléaire et les interactions ions/agrégats-matière.

12 commentaires sur “Vous êtes ici : super-continent de galaxies Laniakea”

  1. Retour de ping : À la découverte de Laniakea, notre superamas galactique | Autour du Ciel

  2. Xavier Colas de la Noue à Hélène Courtois le 17 septembre 2014
    Votre travail est une pure merveille et donne beaucoup à penser notamment à moi

    Depuis longtemps, je pense que l’univers observable (13,8 Mds AL) et dans sa totalité avec sa partie non observable dont la lumière ne nous est pas encore parvenue (vraisemblablement 45 Mds AL) se comporte comme le super-continent Laniakea que vous avez découvert.

    Dans cette approche, l’univers ne serait qu’un “super-super continent” fait de super-continents comme Laniakea avec une masse proche de 10^52 Kg, en expansion (big bang) et avec un centre de gravité de faible masse comme dans les galaxies (10^-3 à 10^-6 fois moins que les 10^52 kg). Bien sûr sa masse est faite de matière baryonique, de matière noire, de radiation et peut-être aussi d’énergie gravitationnelle potentielle comme celle existant entre les galaxies, les étoiles, ….

    Notre univers global ne peut pas avoir une masse très supérieure à 10^52 kg (incertitude + ou -10 à 100 fois) pour des raisons de “stress” gravitationnel interne (cf. Cédric Villani pour les galaxies) qui le volatiliserait (par jets polaires plus ou moins intenses comme dans pratiquement toutes les galaxies).

    En définitive notre univers serait un objet “ordinaire” avec des lois relativistes, quantiques et des constante fondamentales bien “réglées” pour pouvoir exister tel qu’il est.

    Bien sûr pour ne pas être taxé d’anthropisme, plein d’autres univers semblables (10^17 ?) au notre (avec les mêmes lois relativistes, quantiques et les mêmes constante fondamentales) entourent le notre à des distances très grandes de l’ordre de 10^2 à 10^5 fois la taille de notre univers (10^26 mètres) pour ne pas avoir d’influence gravitationnelle détectable par nous. Il existerait ainsi un super-univers (10^100 mètres ?) où notre “petit univers” de 10^26 mètres serait tout à fait quelconque.

    D’autres univers possibles avec d’autres constantes fondamentales et donc d’autres lois relativistes (G différents) et quantiques (G et c différents) seraient alors encore plus loin. Leur hypothèse relèverait de la métaphysique (hypothèse impossible à démontrer) même si ceux qui les supposent cherchent à expliquer l’extrême précision du réglage de nos constantes fondamentales indispensable à la matière, l’énergie et la vie.

    Voilà les quelques réflexions que m’inspirent vos travaux sur Laniakea.
    MERCI
    xavier colas de la noue
    ne me répondre que si vous le jugez necessaire et si vous en avez le temps

  3. Philippe Boueilh à Helène Courtois et son équipe. 05 fevrier 2016

    Bravo pour votre extraordinaire présentation du “Dipole Repeller”.
    Les valeurs de Phi du Repeller ainsi que le positionnement de “l anti flux” issu de ce Repeller dans un plan orthogonal à celui du flux m inciteraient à penser que votre équipe vient en fait de pointer du doigt une première réponse expérimentale probante à l invisibilité apparente ( avec notre flèche du temps) de l antimatière dans notre univers.
    Bravo encore pour cette approche pluridisciplinaire et cette découverte majeure.
    A votre disposition pour vous aider si besoin.

  4. Bonjour,

    Votre recherche représente beaucoup de travail et je vous félicite pour votre persévérance et votre enthousiasme.
    Vous avez détecté un grand attracteur vers lequel notre galaxie semble se diriger.
    Cela veut il dire que l ‘ origine de notre Univers est dans la direction opposée , notre Univers étant en expansion ?
    On peut donc découper notre Univers en tranches plates qui s’ éloignent du point d’ origine du Big Bang qui pourrait servir de repère absolu ?
    Pourrions nous avoir accès à une cartographie par tranche soit pour remonter le temps Universel soit pour regarder dans le futur?
    Les lentilles gravitationnelles permettent de voir des galaxies spirales très agrandies malgré leur fort éloignement.(Prévision d’ Einstein)
    A370 est une lentille gravitationnelle qui permet d’observer M32 située à 9 10⁹ A.L. . Elle a été photographiée en 1987 par une équipe d’astronomes du Pic du Midi et à laquelle je me suis joint durant un stage.
    Pourriez vous obtenir une carte de l ‘Univers à t = -910⁹ A.L.?
    Et une autre au niveau de M31 à t = – 2.54 10⁶ A.L. ?
    D’ après mes recherches, un trou de ver devrait relier M31 et M32.
    M110 étant une image de M32 inversée par un trou de ver Eulérien. (cf. mon blog)
    IL faudrait cartographier précisément le centre de M31 pour détecter l ‘entrée du trou de ver avec au moins 3 étoiles de référence. Ce serait utile pour les futurs explorateurs et philosophes universels.
    Merci pour votre réponse….

  5. Bonjour Madame et félicitations pour vos découvertes, depuis longtemps une question me turlupine, tout le monde s’accorde sur le fait que l’univers est toujours en expansion, mais sur quoi ou dans quoi avance t’il ou s’étend t’il, du total vide, de l’inexistant absolue ?
    Je n’ai aucune formation dans votre domaine, ni même aucun diplôme quel qu’il soit, je suis juste passionné par vos travaux, alors si vous avez une réponse, ne soyez, s’il vous plait et si possible pas trop technique, je viens de visionner un documentaire ou vous parcourez le monde pour scruter notre univers et le cartographier, et c’était fantastique! Bravo et merci!
    Laurent

  6. Je suis resté émerveillé après la diffusion du reportage télévisé du 9 Mars 2021. Depuis je consulte tout se que je peut trouver comme informations sur les travaux de recherches que vous dirigez.Vous m’avez redonné l’émerveillement que je ne croyais plus possible à mon âge,émerveillement qui a réellement débuté a 20 ans lorsqu’un collègue près de la retraite très philosophe qui rêvait de finir berger,ma dit lors d’une discussion sur l’astrophysique,”tu verras un jour, ils enverrons une fusée tellement mais tellement haut qu’ils percevrons,
    qu’ils sortent de la cuisse d’un cheval.”
    Un grand merci pour LANIAKEA, les rivières de matière noire transportant des amas de galaxies à l’intérieur de continents immenses, précisant l’adresse de l’humanité dans l’immensité de la création.

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