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Théo Santos : sonder l’intérieur de la Terre grâce à l’IA générative

En troisième année de thèse à l’UCBL, Théo Santos développe une approche originale alliant IA et géologie pour sonder l’intérieur de la Terre. Ses travaux publiés dans Geophysical Journal International lui ont valu le prix auteur étudiant 2024 décerné par le journal.

Un article par Matthieu Martin, le 19/12/2024

© Crédits Éric le Roux / Lyon 1

« Ma thèse est avant tout très méthodologique », avance modestement le jeune lauréat. Comme pour prévenir : le sujet est avant tout technique. Mais les résultats s’annoncent très prometteurs. La méthode qu’il développe pourrait en effet faire avancer en profondeur le domaine de la géophysique.

Avant d’en arriver là, Théo n’a pas toujours eu les yeux tournés vers la recherche. Après une classe préparatoire, il intègre l’École centrale de Lyon. « J’étais un bon élève, alors je me suis dirigé vers une école généraliste, mais au fil des ans, je n’étais pas sûr de vouloir devenir ingénieur », se rappelle-t-il. Sa curiosité l’amène à se laisser tenter par la recherche. En dernière année d’école, il se spécialise en data science et en machine learning. Un parcours qui va ensuite influencer son orientation pour la thèse.

Aujourd’hui doctorant à cheval entre le Centre de recherche en astrophysique de Lyon et le Laboratoire de géologie de Lyon1, sa thèse s’inscrit également au carrefour de trois domaines : l’astrophysique, la géophysique et l’intelligence artificielle, dans le but par exemple de sonder l’intérieur de la Terre. Il développe pour cela une méthode bien précise pour la résolution de problèmes dits inverses.

Plonger au cœur des « problèmes inverses »

Mais qu’est-ce qu’un problème inverse ? Théo Santos le décrit comme un formalisme qui permet de déduire un modèle caché à partir d’observations.

En géophysique, cela peut consister par exemple à analyser les ondes sismiques enregistrées en surface pour en déduire la structure interne de la Terre. En astrophysique, on peut s’en servir pour corriger des images floues et révéler des détails invisibles.

Dans le cas de la Terre, les visualisations actuelles du manteau sont limitées en résolution, liées aux contraintes des mesures physiques. Résultat : une vision floue et incomplète de ce qui se passe sous nos pieds.

C’est ici que les travaux de Théo prennent toute leur importance. « Mon objectif est de développer des outils qui permettent de gagner en résolution et d’obtenir des images plus nettes du manteau terrestre », s’enthousiasme-t-il.

Des outils d’IA pour mieux observer la Terre

Pour atteindre cet objectif, Théo Santos mise sur les réseaux de neurones génératifs, un outil phare de l’intelligence artificielle. Ces algorithmes, déjà connus pour produire des images réalistes (Midjourney) ou générer du texte (ChatGPT), trouvent ici une nouvelle application.

« Je les utilise pour proposer des modèles possibles de l’intérieur de la Terre. Les réseaux apprennent à partir de jeux de données et produisent des représentations qui ressemblent visuellement à celles utilisées pour leur entraînement. Ces modèles servent ensuite à améliorer les algorithmes de résolution des problèmes inverses », explique le doctorant.

L’idée est simple en théorie : proposer un modèle avec le réseau de neurones génératifs, simuler les observations à partir de ce modèle proposé, comparer ces observations simulées avec les données réelles, puis ajuster le modèle en repassant par le réseau de neurones, pour réduire l’écart. Ces étapes sont répétées de nombreuses fois. En pratique, cette approche requiert des outils mathématiques sophistiqués et une phase d’entraînement des algorithmes sur des images obtenues par la géodynamique, afin que le réseau de neurones propose les modèles les plus proches de la réalité possible.

Le résultat ? Une méthode innovante qui pourrait transformer la manière dont on visualise et interprète les profondeurs terrestres, et permettrait peut-être de lever le voile sur des structures jusqu’ici inaccessibles.

Un travail collectif récompensé

Un potentiel que semble avoir reconnu le journal Geophysical Journal International en nommant Théo co-lauréat du prix auteur étudiant 2024, qui récompense les meilleurs articles rédigés par des doctorants. Une reconnaissance que l’intéressé accepte avec humilité, soulignant l’apport collectif de son équipe. « Je suis lauréat, mais c’est un travail collectif. Mes directeurs de thèse et mes co-auteurs ont largement contribué à mes résultats, ils m’ont aussi accompagné dans la rédaction de la publication ».

1. Centre de recherche en Astrophysique de Lyon (CRAL – CNRS/ENS de Lyon/Université Claude Bernard Lyon 1)

Laboratoire de géologie : Terre, Planètes, Environnement (LGL-TPE – CNRS/ENS de Lyon/Université Claude Bernard Lyon 1)

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