La réalité virtuelle n’a de virtuel que son nom : c’est une expérience cognitive, sensorielle et motrice bien réelle.
Une expérience permettant une activité sensori-motrice et cognitive bien réelle, mais dans un monde artificiel : c’est comme cela que Philippe Fuch, de l’école des Mines de Paris, décrit la réalité virtuelle. La réalité virtuelle nous trompe, nous spolie du réel, faisant de notre cerveau une simple éponge à sensation.
Pourquoi c’est un sujet d’actualité :
Le terme de réalité virtuelle est beaucoup plus ancien qu’on ne le croit souvent :
- Années ’30 : le terme “réalité virtuelle” est utilisé par Antonin Artaud, metteur en scène, pour décrire le théâtre, un art d’interaction en temps réel
- Année ’60 : première expérience d’immersion avec un (gros) simulateur de balade en bicyclette à Brooklyn surnommé le Sensorama
- Années ’80 : l’expression de virtual reality entre dans le dictionnaire et apparaît dans une nouvelle de science fiction, “The Judas Mandala”.
- Années ’90 : les premiers laboratoires de recherche font leur apparition en Europe : The Virtual Reality Lab (VRlab) en Suisse, le centre Européen de la réalité virtuelle (CERV) à côté de Brest, et le pôle de Simulation et Virtualité du LIRIS, Laboratoire d’InfoRmatique en Image et Systèmes d’informationS de l’Université Claude Bernard Lyon 1.
- Enfin, 2016 : c’est l’année de la commercialisation des premiers casques de réalité virtuelle. Nous sommes donc à l’an 0 de la VR pour le “grand” public !
Pourquoi vous ne pourrez pas y échapper
La réalité virtuelle est déjà dans notre quotidien !
En voici des exemples :
- expériences culturelles et artistiques contemplatives ou interactives. Vivre le ballet féerique d’un esprit du feu, c’est impressionnant, tout autant que participer à un documentaire journalistique en immersion à 360° dans les rues de Los Angeles
- Visualisation d’un objet avant sa conception réelle dans l’industrie. C’est beaucoup plus rapide et moins cher de tester un prototype d’Airbus 350 dans un hangar virtuel !
- Guérir un patient en le confrontant à ses angoisses ou phobie. Le coup de l’ascenseur sans vitre au 100ème étage fait toujours son petit effet.
- Soigner la douleur fantôme des membres amputés. Un bras qui n’était plus là, reprend forme en virtualité. On peut donc affronter progressivement la réalité.
- Détourner la douleur en occupant l’esprit des patients. On a tout de suite moins mal en regardant des étendues verdoyantes et ensoleillées peuplée de myriade de papillons. C’était l’objectif du projet de financement participatif “Bliss” soutenu le 12 mai 2016 à hauteur de 25 000€
Il existe encore de nombreux cas d’utilisation de la VR, mais vous avez déjà compris qu’elle est présente dans beaucoup de domaines.
Pourquoi et comment la réalité virtuelle fonctionne aussi bien
Tout repose sur un phénomène appelé le sentiment de présence.
Vous l’avez déjà sûrement éprouvé. Ce sentiment de présence peut commencer avec un livre et une bonne imagination. Le livre provoque des émotions physiologiques On est ému, on a l’impression de vivre ce que vit le héros, d’être en immersion. Cependant si un passage du roman décrit une soudaine avalanche, nous n’aurons pas le réflexe de fermer le livre pour nous en protéger.
Par contre, si nous vivons cette même situation d’avalanche grâce aux technologies de virtualisation, notre réflexe sera de prendre la poudreuse d’escampette et de reculer.
Ainsi, ce sentiment de présence vous donne vraiment la sensation d’appartenir au monde virtuel. Kwan Min Lee professeur associé à l’université de Stanford définit ce moment comme un état psychologique dans lequel la virtualité de l’expérience n’est pas perçue. Vous oubliez que vous portez un casque de VR par exemple.
C’est une expérience subjective mais fortement liée à des spécificités de l’environnement.
Les facteurs clé de la présence sont les suivants :
- Les outils et la capacité d’interactions doivent être naturels et simples : je bouge le bras en bougeant le bras, pas en faisant une combinaison de touches. Ou encore je déplace un objet par un mouvement intuitif.
- Une cohérence spatial et temporelle : Je tourne la tête et ce que je vois s’adapte automatiquement. Je me déplace et le décors avance.
- Une plus grande durée de l’exposition influe aussi. Plus on est habitué à un environnement virtuel, plus on s’y sent à l’aise et on y éprouvera ce sentiment de présence.
- L’expérience sociale est aussi un facteur. Avoir des interactions avec d’autres personnes offre à notre cerveau plus de preuves sur l’existence de cet univers virtuel. D’ailleurs, Facebook a investi récemment pour de prochaine expérience sociale en réalité virtuelle. La version avancée de la visioconférence !
- Et enfin sur la qualité technique du système utilisé : un son spatialisé, un appareil de virtualisation léger, une bonne qualité d’écran. Cette technologie s’améliore de mois en mois.
D’ailleurs, le matériel a été longtemps l’élément bloquant de cette technologie. On utilisait d’autres appareils que des casque car il était difficile d’avoir une technologie suffisamment réactive pour que le mouvement de la tête soit pris en compte en temps réel.
Si l’on tourne la tête, il ne faut que l’image s’adapte automatiquement, sans temps de latence. Dans le cas contraire, on ressent alors la cinétose avec le “mal de la VR”. Le mal de VR est d’ailleurs une variante du mal des transports, et nous donne aussi l’envie de vomir. C’est en fait un mécanisme de défense de notre organisme datant de milliers d’années. Le cerveau constate un conflit entre le mouvement du corps (via l’oreille interne) et ce qu’il voit (via nos yeux). Vu que les 2 signaux sont en désaccord, notre cerveau imagine une hallucination provoquée par une toxine que l’on aurai ingérée. D’où cette envie de vomir.
Rassurez vous, le mal de la VR reste un phénomène rare, d’autant que le corps s’immunise au fil du temps !
Au final, l’expérience vécue n’est pas seulement le résultat des processus physico-chimique de notre cerveau, c’est un bel et subtil équilibre entre le physique, le virtuel et son imaginaire.
Alors si l’occasion vous est donnée et sachez prendre cette main virtuelle qui vous est tendue…
Cette chronique a été diffusée dans notre émission consacrée à l’impression 3D en santé du 15 mai 2016