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Au centre de la Chine, le berceau de la vie animale

Origine animale - Chine Shaanxi

Jean Vannier est paléontologue au laboratoire de géologie de Lyon. Sa dernière mission de terrain, juste avant la pandémie, l’a mené dans la province de Shaanxi, qui abrite les plus vieux fossiles d’une période clé de l’évolution animale. Il nous raconte sa collaboration avec le laboratoire de Xi’an.

 

Comment devient-on paléontologue ?

Certainement, le point de départ est la fascination exercée par les fossiles eux-mêmes, parfois vieux de centaines de millions d’années et seuls témoins de nos lointaines origines. Lorsque j’étais lycéen, je suis allé à la recherche de ces fossiles. La Mayenne – et le Massif Armoricain en général – est une région de prédilection car des roches fossilifères très anciennes y affleurent quasiment partout. Ensuite il faut passer aux choses sérieuses et étudier les sciences de la Terre à l’université. C’est le parcours obligé. Dans mon cas la biologie m’a beaucoup apporté, car elle permet d’établir un lien plus intime entre le monde vivant actuel et passé.

 

En bref, vos recherches ?

Elles portent sur les débuts de la vie animale. Mon travail consiste à reconstituer les premiers animaux à partir de fossiles vieux de plus de 500 millions d’années, mais aussi à mieux comprendre leur rôle dans les écosystèmes marins de cette époque. Une autre question passionnante est d’établir leur arbre « généalogique » depuis leur apparition jusqu’à l’époque actuelle. Cette quête des origines intéresse autant les chercheurs en Sciences de la Terre que les biologistes.

Pour cela nous avons besoin d’informations très précises qu’il est possible d’obtenir grâce à l’étude de sites fossilifères à préservation exceptionnelle. Bien que relativement rares, on les trouve un peu partout dans le monde comme en Chine, au Canada ou au Groenland. Le territoire français n’en possède pas, malheureusement, pour la période étudiée – le Cambrien – à cause d’un contexte géologique peu propice à la bonne préservation des fossiles.

 

Justement, la Chine…

La Chine est certainement le pays qui possède le plus de sites fossilifères remarquables qui nous renseignent sur l’apparition puis la diversification des premiers animaux, à travers une tranche de temps allant de 540 à 520 Ma environ. Notre dernière mission de terrain dans le sud de la Province de Shaanxi avait pour but de prélever des échantillons de roches à la base du Cambrien (env. 535 Ma) pour en extraire des microfossiles.

 

Ces microfossiles, de quoi s’agit-il ?

Ces fossiles nous montrent la diversité animale à ses débuts, principalement des cnidaires, des vers et d’innombrables coquilles et tubes d’autres organismes de la taille du millimètre. Aucun arthropode. Les cnidaires de ce gisement, de lointains ancêtres des méduses actuelles, montrent des structures corporelles parfaitement préservées en trois dimensions grâce à la minéralisation de leurs tissus en phosphate de calcium, juste après leur mort. Récemment, nous avons découvert chez ces petites méduses un système de fibres musculaires très comparable à celui des formes actuelles. En combinant nos résultats avec d’autres données fossiles nous avons pu montrer comment les systèmes musculaires des premiers animaux se diversifient au début du Cambrien, jouant ainsi un rôle fondamental dans leur mobilité et leur capacité à explorer le milieu.

origine animale - Chine Shaanxi
Images obtenues par Microscope Electronique à Balayage et microtomographie aux rayons X. © J. Vannier

Images obtenues par Microscope Electronique à Balayage et microtomographie aux rayons X. © J. Vannier

 

Comment a commencé votre collaboration avec le laboratoire de Xi’an ?

En 2016, j’ai pris contact avec le laboratoire de Xi’an. Au cours de mes échanges avec le directeur du laboratoire, nous avons convenu d’accueillir deux étudiants chinois en thèse ici à Lyon, au Laboratoire de géologie de Lyon (LGL-TPE). C’est à eux que l’on doit beaucoup de résultats intéressants et ils m’ont accompagné sur le terrain en 2019.

 

Comment ça se passe sur le terrain ?

La collaboration avec les collègues chinois est essentielle pour le travail de terrain. Ce sont eux qui prennent en charge l’organisation du projet, la logistique notamment. Mais surtout, ils connaissent très bien la géologie du lieu, les roches favorables à l’extraction de microfossiles. Le sud de la province de Shaanxi est assez montagneux et très boisé. La nature y est bien préservée. Nous faisons souvent appel à des villageois pour l’extraction des blocs de roche. Les relations sont très amicales et la communication passe bien avec eux même s’ils ne parlent pas anglais. Dans les cas difficiles on utilise le traducteur de nos téléphones portables.

Une fois les roches extraites et transportées au laboratoire, il faut les dissoudre dans l’acide acétique dilué afin d’en extraire les micro-fossiles. Faire sortir des fossiles de Chine est très règlementé voire impossible s’il s’agit de sites classés au patrimoine mondial de l’UNESCO comme celui de Chengjiang. Pour nos microfossiles, c’est plus facile. Le laboratoire de Xi’an est bien équipé et bénéficie de techniciens spécialisés pour ce travail. Toutefois, une partie du matériel est traitée à Lyon.

 

Avec le contexte covid-19, envisagez-vous de nouvelles missions en Chine ?

Les contraintes sanitaires sont encore assez fortes. Trois semaines de quarantaine sont imposées à l’arrivée sur le territoire, et en cas de reprise épidémique les contraintes de confinement sont strictes. A partir de cet été, soyons optimistes, le retour à la normale devrait permettre de reprendre nos échanges entre Lyon et Xi’an.

paléontologue sur le terrain - Chine Shaanxi
Xing Wang, Jian Han (à gauche) et Jean Vannier (à droite) lors d’une mission de
terrain dans la partie sud de la Province de Shaanxi, printemps 2019. © J. Vannier

Ces recherches franco-chinoises ont été financées via un programme de collaboration PRC de l’INSU ainsi que la Région Auvergne-Rhône-Alpes et l’Université Claude Bernard Lyon 1.

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