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Pour lutter contre Les surchauffes urbaines

une approche intégrée du bâtiment

Pour lutter contre Les surchauffes urbaines ​

une approche intégrée du bâtiment​

Pour lutter contre Les surchauffes urbaines ​​

une approche intégrée du bâtiment​

VILLE DURABLE

Face aux surchauffes urbaines, une approche intégrée du bâtiment

Face aux surchauffes urbaines, une approche intégrée du bâtiment

Par Matthieu Martin.

Ville de demain | Avec le réchauffement climatique qui accentue le phénomène de surchauffes urbaines, la lutte contre les ilots de chaleurs urbains et la question du confort thermique des habitants concernent de plus en plus de villes. Une problématique qui amène les scientifiques à voir le bâtiment et ses performances sous un jour nouveau. Longtemps cantonné à une approche technicienne, des scientifiques proposent une vision plus intégrée du bâtiment qui tient compte du vécu des habitants, dans un environnement local propre à chaque ville.

L’été 2022 s’est révélé être, à bien des égards, la saison des extrêmes et en 2023 la tendance se confirme. Durée et précocité des vagues de chaleur, sécheresse inédite, chaleurs records… Autant d’événements climatiques inédits qui font échos aux alertes répétées des scientifiques sur les conséquences du changement climatique. Avec une hausse de la température globale qui s’est encore accentuée – et devrait dépasser 1,5° C en moyenne dans les vingt prochaines années –, ces épisodes sont amenés à se répéter et s’intensifier. Un contexte face auquel nos villes se montrent particulièrement vulnérables. Notamment en raison des ilots de chaleur urbains. Les citadins en font régulièrement l’expérience lors des épisodes de forte chaleur : les températures en ville sont souvent plus élevées par rapport à la campagne environnante. Des différences davantage marquées la nuit, et pouvant atteindre plus de 5° C dans certaines zones urbaines, qui rendent les quartiers et les habitats étouffants, difficiles à vivre.

Lors de vagues de chaleur, les ilots de chaleurs accentuent les effets sur les habitants, avec des impacts sanitaires notamment chez les populations vulnérables – jeunes enfants et personnes âgées –, comme l’a tristement illustré la canicule de 2003. Moins dramatique mais tout aussi important, la chaleur impacte aussi le confort en ville. Selon la banque mondiale, près de 7 personnes sur 10 habiteront en ville à l’horizon 2050. Or, difficile de rendre ces dernières attrayantes lorsque la pratique des espaces extérieurs et l’usage des bâtiments deviennent inconfortables pendant les fortes chaleurs, que les habitants fuient les espaces urbains pour trouver de la fraicheur. Avec des impacts sur le travail, les loisirs, l’usage excessif de la climatisation en ville. Intégrer à la fois les enjeux en matière d’ilots de chaleurs et améliorer le confort thermique, c’est ce que recouvrent les travaux sur les surchauffes urbaines, qui s’expriment aussi bien de jour que de nuit, avec des impacts tant à l’échelle des villes qu’au niveau du vécu des habitants.

Dans ce contexte, rafraichir les villes constitue tout autant un enjeu de santé publique qu’un levier incontournable pour l’adaptation de nos villes.

La canicule de 2003 en région Rhône Alpes

Suite à l’ampleur de la canicule d’août 2003 en France, un rapport d’étape de l’Inserm est remis en septembre au Ministre de la Santé, de la Famille et des Personnes Handicapée. Cet épisode a en effet affecté l’ensemble du territoire, bien que de manière inégale selon les régions. À ce titre, la région Rhône Alpes a été particulièrement impactée. À Lyon, un record de température dans la capitale des Gaules avait été enregistré le 13 août 2003 à 40,5° C .

D’après le rapport de l’Inserm, 8% des décès liés à la canicule en France ont eu lieu en région Rhône Alpes, en faisant la troisième région la plus touchée après la région Centre (8,4%) et l’Ile de France (32,9%). Ce rapport établit une surmortalité dans la région Rhône Alpes liée à la canicule estimée entre +49% et +78%.

source : Estimation de la surmortalité et principales caractéristiques épidémiologiques. Surmortalité liée à la canicule d’août 2003 : rapport d’étape  (D. Hémon, E. Jougla).

Surchauffes urbaines : des solutions pour rafraichir les villes

Aujourd’hui, plusieurs solutions sont déjà envisagées par les collectivités. Parmi lesquelles les solutions grises, douces ou vertes possibles, la végétalisation favorise l’ombrage et l’évapotranspiration. Ce phénomène naturel au cours duquel l’eau présente dans les végétaux contribue à diminuer la température ambiante en s’évaporant, lorsque la disponibilité en eau est suffisante. L’aménagement de points d’eau en ville présente également un potentiel de rafraichissement en ville, en favorisant l’évaporation, la circulation des vents ou l’absorption de rayonnements solaires, ainsi que des espaces de bien-être pour les habitants (fontaines, jeux d’eau, berges…). À l’heure actuelle, les effets de la végétalisation et de la gestion des eaux en ville sont fortement limités en raison de l’imperméabilisation des surfaces, faites à partir de matières minérales qui captent et stockent facilement la chaleur. À Lyon, la Métropole a mis en place le Plan Canopée afin de développer ce volet.

La morphologie de la ville a également un impact direct sur les ilots de chaleur. Ces derniers résultent d’un microclimat local, lui-même influencé par la concentration des bâtiments, l’imperméabilisation des surfaces ; l’utilisation de matières minérales (béton, pierre, brique) favorisent aussi leur formation. Tout l’enjeu pour les scientifiques qui modélisent les zones urbaines est d’évaluer les paramètres impactant, afin de favoriser par exemple la ventilation naturelle, ou l’implantation d’espaces verts et de points d’eau. Ceci afin de permettre un recours adapté à ces solutions dans la conception des quartiers. Des solutions pour certaines malheureusement difficiles à mettre en œuvre, dans la mesure où les zones urbanisées sont déjà très contraintes.

À Lyon, un projet de requalification de l’avenue Garibaldi a intégré plusieurs solutions de rafraîchissement : végétalisation par des bandes plantées qui recueillent les eaux de pluie, arrosage des espaces verts dans les périodes de canicule, utilisation de revêtements en béton clair sur les trottoirs, réduction du trafic automobile. © SCOP TRIBU

Le bâtiment, pas qu’un objet technique

La conception de nouveaux bâtiments performants d’un point de vue énergétique constituent un autre enjeu crucial pour les villes. En ce sens, les chercheurs développent des modèles pointus, tenant compte de contraintes architecturales, des matériaux utilisés, du microclimat local. Cependant, pour répondre aux enjeux climatiques actuels, la conception de bâtiments performants ne peut se limiter à une approche technique, plaide Lucie Merlier, chercheuse au Centre d’énergétique et de thermique de Lyon (CETHIL). « Un bâtiment effectivement performant aujourd’hui peut être vu comme un objet technique qui doit composer avec son environnement et les usages de ses habitants ». Autrement dit, un bâtiment très performant en théorie peut se révéler peu efficace, voire contre-productif, si son fonctionnement n’est pas en adéquation avec les usages des habitants, et réciproquement. Par exemple, les usagers vont-ils penser à – et accepter de – fermer les volets en journée, au risque sinon d’emmagasiner de la chaleur difficile à évacuer par la suite ? « On se rend compte qu’il existe tout un tas de raisons liées aux habitudes, au vécu des personnes, qui font que les prescriptions pensées par les ingénieurs ne vont pas être suivies », explique Célia Sondaz, doctorante au CETHIL, qui mène des entretiens auprès de femmes âgée de plus de 70 ans sur le confort thermique.

« La finalité d’une ville, c’est les gens qui l’habitent. On ne peut pas concevoir et bâtir une ville sans les intégrer dans le processus »

D’autres problématiques, liées cette fois au contexte, viennent également s’y ajouter. Ainsi, laisser les fenêtres ouvertes la nuit laisse entrer de la fraicheur mais peut apporter aussi d’autres nuisances comme le bruit urbain, ou les moustiques. Autant de paramètres qui  limitent la mise en œuvre de stratégies passives de rafraichissement la nuit. Ces dimensions socio-culturelles sont de plus en plus prises en compte dans les travaux techniques abordant les surchauffes urbaines. De formation pluridisciplinaire entre ingénierie, architecture et sciences humaines et sociales, Lucie Merlier plaide ainsi pour davantage de croisements entre les disciplines pour intégrer, entre autres, architectes, urbanistes, ingénieurs, sociologues et anthropologues sur cette thématique de recherche. « La finalité d’une ville, c’est principalement les gens qui l’habitent. On ne peut pas concevoir et bâtir une ville sans les intégrer dans le processus ». Une approche qui permet d’appréhender des phénomènes complexes comme le confort thermique.

Pourquoi certaines personnes, parmi lesquelles les plus vulnérables, ne suivent pas les recommandations en cas de forte chaleur ? Comme penser à boire. La question n’est pas si simple, et illustre la difficulté à saisir une notion comme le ressenti dans la notion de confort thermique, une composante essentielle de la santé. Ce dernier dépend de nombreux paramètres physiques (la température de l’air, la vitesse du vent…), de la météo, mais aussi de nos habitudes (la façon de s’habiller, de nos activités). Selon le vécu, la culture, les représentations, nous n’avons pas le même ressenti de la chaleur. À ce titre, le confort thermique est particulièrement complexe à évaluer, rendant l’intégration des usages d’autant plus difficile. Il relève à la fois de critères morphologiques, du vécu personnel, de critères socio-culturels. « À l’heure actuelle, les critères sont basés sur des statistiques qui n’ont que peu de sens pratique. L’idée serait d’aller vers des modèles plus proches de la réalité des habitants », explique Célia, dont la thèse tâche de réunir physique du bâtiment, critères thermo-physiologiques et habitudes, ressentis et représentations individuelles des habitants.

Des solutions aux surchauffes urbaines à implémenter localement

Les solutions à implémenter pour limiter les surchauffes urbaines et leurs conséquences négatives sont donc étroitement liées au contexte local des villes. « Il n’y a pas de solution générale optimale pour tout, partout et tout le temps », assène Lucie Merlier. Tout dépend du contexte, donc des spécificités locales, et des objectifs que l’on souhaite atteindre. La demande sociale pousse actuellement pour la végétalisation et une autre gestion de l’eau en ville pour favoriser le rafraichissement, mais ces actions vertes doivent s’intégrer dans un environnement physique adapté. Selon qu’il s’agit d’une rue étroite et haute ou d’une place dégagée comme la place Bellecour, ces solutions n’auront d’ailleurs pas les mêmes effets… Typiquement, si les arbres font de l’ombre et évapotranspirent, ils peuvent aussi affecter la ventilation naturelle, ou gêner le dégagement de chaleur la nuit. Et puis ces critères thermiques doivent s’accorder avec d’autres contraintes (environnement sonore, adaptation au trafic pour les chaussées…). La réduction des ilots de chaleurs urbains peut aussi entrer en conflit avec un objectif de confort urbain. « Imaginez un matériau très réfléchissant au sol. Cela limite fortement l’absorption de chaleur par ce dernier, et donc le dégagement de chaleur la nuit. Donc on limite l’effet d’ilot de chaleur, par contre les propriétés réfléchissantes peuvent rendre l’endroit inconfortable pour les usagers en journée », expose Lucie Merlier.

Pas de solution miracle, mais des recherches qui amènent vers une meilleure prise en compte de la réalité des habitants des villes. Penser l’articulation entre l’humain, son lieu de vie, son micro-climat et l’environnement, une nouvelle voie pour la ville de demain ?

Ressources

« Rafraichir les villes », un dossier de l’ADEME

Des solutions pour rafraîchir les villes, un dossier de l’ADEME

Urbanisme et changement climatique, bâtir des ponts entre sciences, un article Sciences pour tous

Ilot de chaleur : quel climat urbain pour demain ?, un reportage CNRS

Surchauffes urbaines, un studio du Labex Intelligences des mondes urbains (IMU)

Un dossier Sciences pour tous réalisé à l’Université Claude Bernard Lyon 1

Comment créer des espaces plaisants à vivre pour toutes et tous, performants dans leur manière de rendre des services multiples, et adaptables et résilients face aux défis de l’Anthropocène ? Ces derniers, dans un contexte d’urbanisation croissante, ont démontré aux décideurs comme aux citoyens qu’un changement de paradigme est nécessaire. Il n’est plus possible de concevoir une métropole comme un territoire largement découplé de la nature, mais bien d’imaginer des territoires urbains et péri-urbains comme des socio-écosystèmes où humains et non-humains peuvent vivre en harmonie. 

S’appuyant sur des recherches et des travaux en cours à l’Université Claude Bernard Lyon 1 et dans les laboratoires lyonnais, des chercheurs et des chercheuses posent un regard sur la ville de demain, et l’importance de renouer avec notre environnement, de lui faire de la place et de le faire durer.

Un dossier Sciences pour tous réalisé à l’Université Claude Bernard Lyon 1

Comment créer des espaces plaisants à vivre pour toutes et tous, performants dans leur manière de rendre des services multiples, et adaptables et résilients face aux défis de l’Anthropocène ? Ces derniers, dans un contexte d’urbanisation croissante, ont démontré aux décideurs comme aux citoyens qu’un changement de paradigme est nécessaire. Il n’est plus possible de concevoir une métropole comme un territoire largement découplé de la nature, mais bien d’imaginer des territoires urbains et péri-urbains comme des socio-écosystèmes où humains et non-humains peuvent vivre en harmonie. 

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