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ÉPILEPSIE ET ACTIVITÉ PHYSIQUE

« il n’y a pas de sport interdit, mais des sports adaptés »

ÉPILEPSIE ET ACTIVITÉ PHYSIQUE​

« il n’y a pas de sport interdit, mais des sports adaptés »​

ÉPILEPSIE ET ACTIVITÉ PHYSIQUE​

« il n’y a pas de sport interdit, mais des sports adaptés »​

PAROLE DE DOC’

Épilepsie : « il n’existe pas de sport interdit, mais des sports adaptés »

Épilepsie : « il n’existe pas de sport interdit, mais des sports adaptés »​

Par Axel Lion. Publié le 05/12/2022

Pendant longtemps, l’activité physique était proscrite pour les personnes souffrant d’épilepsie. Axel Lion, doctorant en sociologie au Laboratoire L-VIS, et ancien enseignant en APA, met en lumière le changement de paradigme actuellement en cours, passant de la proscription à la prescription.

Touchant près de 600 000 personnes en France chaque année, l’épilepsie est une maladie chronique neurologique qui se caractérise par un fonctionnement électrique anormal de l’activité cérébrale. Cette maladie se manifeste par des crises répétées, généralisées ou focales qui peuvent prendre différentes formes et varier en intensité selon la zone du cerveau impliquée. A ce jour, on recense plus de cinquante syndromes épileptiques différents. Par ailleurs, les crises persistent malgré un traitement médicamenteux bien conduit chez 30% des malades, catégorisés dès-lors comme pharmaco-résistants.

Depuis l’apport des sciences sociales, l’épilepsie renvoie aujourd’hui principalement à deux notions : celle de l’incertitude, omniprésente dans le quotidien des malades et de leurs proches du fait des crises qui peuvent se déclencher à n’importe quel moment ; et celle de la stigmatisation, les porteurs d’épilepsie vivant dans la crainte permanente de la révélation fortuite de leur maladie via le déclenchement inopiné d’une crise.


Les personnes souffrant d’épilepsie exclues des pratiques sportives 

Considérée en occident jusqu’au XVIIIème siècle comme « l’expression du diable », l’épilepsie a traditionnellement été associée à des croyances et à des représentations sociales négatives. Aujourd’hui encore, les personnes souffrant d’épilepsie subissent un discrédit du fait notamment de la brutalité et de la soudaineté de certaines crises. Les effets de la stigmatisation liée à l’épilepsie incitent les individus à réduire leur participation sociale et à s’isoler, un processus également observé au niveau de leurs pratiques physiques. La peur de voir se dévoiler leur maladie ou celle de se blesser au décours d’une crise freinent les personnes épileptiques à s’engager dans des activités sportives. Le manque d’informations et de recommandations médicales agit également comme une barrière à leur mise en mouvement. De plus, les manifestations physiologiques liées à l’effort telles que l’essoufflement ou la sudation sont parfois identifiées – à tort – comme des facteurs déclencheurs de crise, renforçant leur « auto-exclusion » de ces pratiques physiques. Plus dommageable encore, ces idées reçues seraient encore tenaces chez certains professionnels de santé et du sport. Ces éléments peuvent expliquer que l’épilepsie, à l’instar de nombreuses pathologies chroniques, a longtemps été considérée – et l’est parfois encore – comme une contre-indication à la pratique sportive en elle-même.


Activité physique et épilepsie, de la proscription à la prescription

La littérature scientifique permet d’affirmer aujourd’hui la nette supériorité des bénéfices de l’activité physique sur les risques potentiellement encourus par ses pratiquants, à la fois sur les plans physiologique, psychologique et social.
Non seulement des travaux ont montré qu’il n’y avait pas davantage d’accident de sport chez les personnes épileptiques que dans la population générale, – il y en aurait d’ailleurs moins – ; mais de plus, différentes études ont révélé que la pratique d’une activité physique régulière permettrait de réduire la fréquence et l’intensité des crises tout en améliorant la qualité de vie et l’estime de soi des personnes souffrant d’épilepsie. Ainsi en 2016, un consensus a été publié par la Ligue internationale contre l’épilepsie encourageant la pratique sportive des personnes épileptiques, tout en précisant certaines restrictions (activités en haute altitude, plongée sous-marine, etc.).

Cette reconnaissance grandissante des bienfaits de l’activité physique sur l’épilepsie comme sur d’autres maladies chroniques se traduit cette même année en France par la publication d’un décret [n° 2016-1990 du 30 décembre 2016] permettant aux médecins traitants de prescrire du « sport sur ordonnance » à leurs patients atteints d’affection de longue durée dont font partie les épilepsies graves. Une prérogative qui marque un véritable changement de paradigme sur ce sujet, faisant passer l’activité physique de la « proscription » à la « prescription » auprès de ces publics vulnérables. Pour être plus précis, le décret ne fait pas référence au sport mais à l’activité physique adaptée (APA) et il s’agit là d’un point important. La pratique physique des personnes vivant avec une épilepsie peut effectivement être conditionnée à un certain nombre d’ajustements et doit bénéficier d’un accompagnement spécifique visant à garantir leur sécurité. Ces modalités doivent permettre d’appréhender les singularités de l’épilepsie de chacun : facteurs déclencheurs, fréquence et type de crises, etc. Tout l’enjeu porte donc sur cette notion d’adaptation et sur sa mise en œuvre.


Avec l’APA, pas de sport interdit mais des sports adaptés

L’APA est le domaine scientifique et professionnel de l’activité physique s’adressant à toute personne ne pouvant pas pratiquer une activité physique ou sportive dans des conditions ordinaires et qui présente des besoins spécifiques de santé (telles que les personnes souffrant d’épilepsie), justifiant la mise en place d’adaptations.
Organisées conjointement par le pratiquant lui-même, l’enseignant en APA et le médecin, ces adaptations doivent permettre de donner accès à tout type d’activité, notamment celles générant le plus d’appréhension, parfois en lien avec de mauvaises expériences vécues par le passé. L’idée n’est plus de disqualifier une activité pour les risques supposés ou réels qu’elle ferait encourir au pratiquant épileptique, mais plutôt de chercher à l’adapter pour la rendre accessible, sécurisée et sécurisante.


Deux exemples pour illustrer la démarche

Ainsi, la pratique de l’escalade, autrefois interdite aux personnes épileptiques pour ses risques de chute liée aux crises, peut être envisagée en salle (structure artificielle d’escalade), avec un assurage en moulinette réalisé par un encadrant et le port d’un casque, prévenant de la sorte les risques traumatiques de tous types.
La natation, souvent réprouvée pour ses risques de noyade liées aux crises peut se pratiquer dans une piscine sous la surveillance d’un maître-nageur averti, avec l’utilisation de matériels de flottaison et de propulsion pour améliorer l’aisance et la sécurité dans l’eau, ou encore avec des bouchons d’oreilles pour réduire les stimulations auditives parfois anxiogènes.
Autant d’adaptations à co-construire avec chaque pratiquant qui rappellent qu’avec l’épilepsie, aujourd’hui, il n’existe pas de sport interdit mais des sports adaptés.

Ressources

À écouter
Épilepsie et activité physique : entretien avec Axel Lion, EAPA et doctorant, réalisé par la société française des professionnels en activité physique adaptée

Atelier BARCamp
Revoir la conférence d’Axel Lion à la BU science dans le cadre des BARCamp
 

Pour aller plus loin
Lion, A., & Petit, J. (2022). Épilepsie et activité physique, une pratique adaptée pour tous. Flammarion, ed. Autrement.

Cet article a été écrit par Axel Lion pour Sciences pour tous.


Sa bio

Après 4 années passées comme enseignant en APA à l’issu d’un Master 2 Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives (STAPS) mention Activité Physique Adaptée et Santé (APAS), j’ai débuté une thèse sous convention industrielle de formation par la recherche (Cifre) avec le Laboratoire sur les vulnérabilités et l’innovation dans le sport et l’Institut La Teppe. Aujourd’hui doctorant au Laboratoire sur les Vulnérabilités et l’Innovation dans le Sport (L-VIS), je suis également enseignant vacataire à l’UFR STAPS de l’Université Lyon 1 et membre du conseil d’administration de l’Institut ReCAPPS. Mes travaux de recherche en sociologie portent sur les usages des activités physiques et sportives dans le parcours biographique des personnes souffrant d’épilepsie.

Photographie : Photo issue du projet These’s art : Lou Broche / Université Claude Bernard Lyon 1 / SEPR
Projet coordonné par Éric le Roux

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