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Journée mondiale contre l’obésité : des idées reçues encore tenaces

Journée mondiale contre l’obésité : des idées reçues encore tenaces

À l’occasion de la journée mondiale contre l’obésité, on revient avec Emmanuel Disse, PUPH (Lyon 1/HCL) et membre du Laboratoire CarMeN, sur quelques idées reçues persistantes sur cette maladie. À l’heure actuelle, elle n’est toujours pas reconnue par la France comme une maladie chronique.

L’obésité n’est pas une maladie

L’obésité est encore largement perçue comme un état – je suis obèse –, source de nombreux stigma pour les patients. Pourtant, depuis 1997 l’obésité est reconnue comme une maladie chronique par l’organisation mondiale de la santé, au même titre par exemple que l’hypertension. Mais ce n’est pas le cas en France. Il y a encore cette idée que l’obésité incombe avant tout de la responsabilité individuelle. Or, cette reconnaissance de la maladie est importante pour les patients. D’une part pour changer la perception que nous avons de la maladie, mais aussi pour inscrire l’obésité au nombre des maladies dont la prise en charge est intégralement remboursée par l’assurance maladie.

Obésité = surpoids

L’obésité se caractérise par une prise de poids progressive entraînant des effets néfastes pour la santé. C’est l’un des principaux déterminants de la maladie. Arrivé à un certain point, la perte de poids devient difficile et nécessite alors une prise en charge médicale (régime, prise de médicaments, chirurgie bariatrique…). Pour autant, toute personne en surpoids ne répond pas forcément aux critères de diagnostic de l’obésité. Par ailleurs, quelle que soit la stratégie thérapeutique suivie, une personne qui a maigri reste en situation d’obésité. Au même titre que d’autres maladies chroniques. Un patient qui fait de l’hypertension dont on abaisse la tension par la prise de médicament n’en reste pas moins diagnostiqué comme souffrant d’hypertension. Même chose pour le diabète. D’ailleurs, dans le cas de l’obésité, l’arrêt du régime ou de la prise de médicaments entraîne la plupart du temps une reprise de poids et des complications de santé.

Les personnes obèses mangent trop et manquent de volonté

L’obésité survient à la suite d’une dérégulation du stockage des graisses dans les tissus adipeux. Elle a pour origine un déséquilibre de la balance d’énergie dans l’organisme, qui peut avoir des origines multiples. Elle peut toucher des personnes ayant pourtant une alimentation variée et une activité physique régulière. Dire que les personnes souffrant d’obésité manquent de volonté est faux. En revanche, la maladie se développe chez des personnes présentant une vulnérabilité. Cette vulnérabilité peut être d’origine génétique, liée à l’environnement, à l’exposition dès le plus jeune âge à des perturbateurs endocriniens… Tous ces facteurs contribuent de manière générale aux maladies chroniques. L’obésité ne relève pas simplement de la volonté individuelle, mais d’une responsabilité collective.

Il existe des aliments favorisant l’obésité

En matière d’alimentation, il n’existe pas de conseils stricts sur les produits. Par exemple, les produits laitiers riches en lipides, comme le fromage, sont encore souvent déconseillés pour les personnes souffrant d’obésité. Or, les recherches actuelles tendent à montrer que ce n’est pas si simple. On commence à découvrir les bienfaits pour la santé de lipides spécifiques des produits laitiers, incluant notamment les “lipides polaires”. Au Laboratoire CarMeN, une vaste étude clinique soutenue par la Fondation pour la Recherche Médicale (Projet DAILICATE) est actuellement menée pour étudier les bienfaits des différents produits laitiers chez les personnes atteintes d’obésité. Il s’agit de comparer chez trois groupes une alimentation incluant des produits laitiers avec différentes teneurs en lipides. Dans tous les cas, les interdits alimentaires ont des effets très limités sur la gestion de l’obésité et favorisent bien davantage la désinhibition et les troubles du comportement alimentaire.

L’obésité progresse en France

L’obésité a été en hausse dans les années 2000. Elle touche en 2022 17% des adultes et 4% des enfants. Pour autant, les chiffres sont stables depuis 10 ans. En revanche, en ce qui concerne la corpulence toutes classes d’âge confondues – dont les nourrissons –, la tendance est à la hausse depuis plusieurs années. Ces chiffres concernent la population générale et pas seulement les personnes atteintes d’obésité.

Il n’existe pas de médicament efficace contre l’obésité

Depuis plus d’un siècle, la mise au point d’un médicament efficace contre l’obésité a été un défi scientifique. Plusieurs molécules qui étaient prescrites ont été retirées du marché en raison d’effets secondaires délétères, dont le médiator est un cas emblématique. Mais ces dernières années, la prise en charge de l’obésité a connu une révolution thérapeutique avec l’arrivée sur le marché de médicaments dits de « deuxième génération » qui se révèlent efficaces pour traiter l’obésité. Il s’agit de molécules d’origine biologique agissant sur la satiété en mimant l’action du GLP-1 , une hormone naturellement secrétée par l’organisme pour réguler la satiété. Il existe deux médicaments commercialisés en France : 

  • Le liraglutide (SAXENDA®), molécule utilisée initialement pour traiter le diabète de type 2 et maintenant utilisée pour le traitement de l’obésité. Elle permet d’abaisser le poids d’environ 10% et présente des bénéfices pour le système cardiovasculaire
  • Le Semaglutide (WEGOVY®), qui entraîne une perte de poids d’environ 20%. La France est le 2e pays à avoir accès à cette molécule et est le seul pays au monde à le rembourser

De quoi encourager une meilleure reconnaissance de la maladie pour les patients souffrant d’obésité en France et dans le monde !


Emmanuel Disse est
Professeur à l’Université Lyon 1 et chercheur au laboratoire CarMeN, il est aussi endocrinologue et chef du service d’Endocrinologie-Diabète-Nutrition aux hospices civils de Lyon. Ses thématiques de recherche au Laboratoire CarMeN portent sur le rôle de l’alimentation dans l’obésité et le diabète de type 2.

L'obésité en France en chiffres ​

  • L’obésité touche 8 millions de personnes en France
  • 17% des adultes et 4% des enfants et adolescents sont en situation d’obésité
  • L’obésité est responsable de 10 à 13% de décès
  • 40 000 interventions de chirurgie en 2019, dont 80 de chirurgie bariatrique

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